L'Italie face au casse-tête du coût d'entretien du "megayacht" d'un oligarque russe, "gelé" pour cause de guerre en Ukraine
Le "Scheherazade" est une prise de guerre d'un luxe inimaginable : pensé pour une quarantaine de passagers, il accueille un cinéma, une piste de danse avec toit ouvrant, un sauna, un bain turc, des salles de bains en marbre, une salle de cryothérapie, deux pistes pour hélicoptère et un système de sécurité contre les drones. Son prix est estimé à environ 700 millions d'euros.
Depuis le 6 mai 2022, au nom des sanctions européennes contre les oligarques russes, le Scheherazade est immobilisé dans la marina de Massa, sur la côte toscane. Son propriétaire officiel est Eduard Khudaynatov, ancien patron du géant pétrolier Rosneft et proche du Kremlin. Mais d'après l'organisation de l'opposant Alexei Navalny, son vrai détenteur n'est autre que Vladimir Poutine. Les traqueurs de yachts de "Dossier center", [article en russe], lié à l'opposant Mikhaïl Khodorkovski, assurent même qu'il s'agit du cadeau de Noël du président russe offert en 2014 par une poignée d'oligarques reconnaissants.
10 millions d'euros de dépenses en entretien
C'est donc une très grosse prise de guerre pour l'Italie, sauf qu'un bien ainsi "gelé" est sous une condition juridique particulière, qui oblige l'État à l'entretenir et à le garder en parfaite condition. Le quotidien La Repubblica repris par Courrier International a fait les comptes : l'État italien a déjà dépensé 10 millions d'euros pour le Sheherazade et il ne sait pas à qui envoyer la facture. Eduard Khudainatov est lui-même sanctionné à titre individuel et ne peut pas payer.
Or, plus le temps passe, plus les besoins en travaux d'entretien et de maintenance augmentent. Rome est dans une situation inextricable où il n'y a pas de propriétaire solvable identifié, mais elle n'est pas la seule. D'autres pays européens, qui ont saisi des yachts de moindre envergure, comme l'Espagne se retrouvent également confrontés à un gouffre financier.
Taxer les avoirs financiers gelés
La solution serait de confisquer définitivement ces biens russes, les saisir et plus seulement les geler pour pouvoir ensuite les revendre. La volonté politique existe, mais c'est juridiquement compliqué puisque ça signifierait plusieurs années de procédure et il faudrait trouver des clients.
Il est bien plus facile en fait de tirer profit des 200 milliards d'euros d'actifs financiers russes gelés dans les banques.
La Belgique, l'un des pays européens qui en comptent le plus, a décidé de taxer les intérêts générés par cet argent qui dort et auquel il n'est pas possible de toucher. Cela lui a déjà rapporté 1,7 milliard d'euros qu'elle a récemment promis de reverser à l'Ukraine en 2024. Appelant les autres pays de l'Union à lui emboîter le pas. Une procédure bien plus efficace que d'immobiliser des yachts de luxe dans les ports.
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