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Portugal : une présidentielle bouleversée par le Covid-19

Les Portugais sont appelés à voter dimanche. La situation sanitaire et le manque d’enjeu pourrait faire exploser l’abstention.

Article rédigé par franceinfo, Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Marcelo Rebelo de Sousa, le président du Portugal au Palais présidentiel à Lisbonne, le 2 novembre 2020. (PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)

Avec une telle popularité, l’enjeu est faible. Le président sortant Marcelo Rebelo de Sousa, conservateur de 72 ans a de forte chance de remporter la présidentielle portugaise dimanche 24 janvier. Il est tellement populaire que la gauche, au pouvoir, n'a même pas présenté de candidat officiel au début de la campagne et s’est ralliée dans la dernière ligne droite à la dissidente Ana Gomes. Au Portugal, le président est élu pour cinq ans, renouvelable une fois et n'a pas de pouvoir exécutif mais joue un rôle d'arbitre en cas de crise politique.

Comment peut-on expliquer un tel succès ? Marcelo Rebelo de Sousa est modeste, simple, naturellement empathique. "Marcelo" comme l'appelle les Portugais est hors norme. Il n'a pas de chauffeur, il fait ses courses habillé en short. L'été dernier, il n'a pas hésité à se jeter à la mer pour sauver deux jeunes touristes entraînées par les vagues.

Son bureau : c'est la rue. Adepte des photos avec ses supporters, les Portugais ont inventé un mot en 2016 : Marselfie. En 2019, un Portugais sur deux rêvait de prendre un selfie aux côtés de ce président peu commun. En politique, c'est un "joueur d'échecs" qui sait anticiper, et qui sait faire consensus.

Un scrutin sous coronavirus

Le Portugal est reconfiné depuis mi-janvier. Le pays observe une explosion des cas depuis quelques semaines et il a annoncé hier la fermeture des écoles, universités et crèches. Ce contexte pourrait retarder le triomphe de Marcelo. Avant le reconfinement, le président sortant était crédité de 63% des intentions de vote et devait être réélu dès le premier tour

À cause du Covid-19 (et du manque d'enjeu), l'abstention risque d'être très forte, voire historique : plus de 70%. Selon la Société portugaise de soins intensifs, au niveau sanitaire, cette élection comporte un "grand risque". Pour éviter de trop grands rassemblements d’électeurs, les bureaux de vote ont été ouverts dimanche dernier pour permettre un vote anticipé. Des milliers d'électeurs, en quarantaine ou fragile, ont également pu voter à domicile. Les autorités mettant en place des visites de volontaires pour recueillir les bulletins de vote. Au Portugal, la loi interdit de reporter ou d'annuler les élections et les évènements politiques.

Percée de l'extrême-droite

L’un des enjeux de ce scrutin, dont se font échos de nombreux médias portugais, c’est la montée du jeune loup de l'ultra-droite : André Ventura. Il devrait arriver troisième. Avec un discours contre la politique migratoire européenne, contre les partis traditionnels "corrompus", contre l'avortement, André Ventura défend une droite radicale populiste mais n'aime pas qu'on le mette dans la case "extrême-droite". Début janvier il a reçu la visite de Marine Le Pen, venue à Lisbonne pour le soutenir.

Son parti Chega (ça suffit), joue avec le ras-le-bol de certains électeurs. Chega est apparu très récemment dans le paysage politique portugais en avril 2019 six mois avant les législatives. Premier scrutin et première victoire. Chega est entré au Parlement portugais avec 1,29% des voix. Une première pour un parti d'extrême-droite depuis la chute de la dictature en 1974. À 38 ans, André Ventura a la connaissance d'un docteur en droit (qu’il est), l'éloquence d'un professeur d'université et l'aisance d'un commentateur sportif, deux fonctions qu'il a occupé.

Provocateur, il n'hésite pas à tenir des propos sexistes. Il a récemment attaqué une autre candidate, Marisa Matias, sur son physique et son maquillage de "poupée" : "Ce n'est pas très bon en termes d'image, ça ne paie pas. Avec ce rouge à lèvres, ça ressemble même à une blague".

En soutien à la candidate visée, un hashtag est apparu "Du rouge à Belém", #VermelhoemBelem (Belém étant le quartier du Palais présidentiel). Les internautes lancent ce défi : à tous ceux qui sont contre le sexisme de l'extrême-droite, mettez du rouge à lèvres et postez un selfie sur les réseaux sociaux. Hommes, femmes, personnalités, anonymes, des dizaines de milliers de Portugais ont déjà répondu. Dont le comédien et animateur Bruno Nogueira

très populaire au Portugal et suivi par plus de 820.000 de personnes sur Twitter.

André Ventura, qui sait parfaitement utiliser les réseaux sociaux pour conquérir de nouvelles voix, a répondu par une photo sur Twitter.

en pleine campagne électorale : "Je n’ai pas de rouge à lèvres mais j’aurai bien besoin d’un anti-cernes."

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