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Suisse-UE : mariage en berne, la Confédération helvétique refuse de signer l'accord-cadre avec Bruxelles

La Suisse vient de tourner le dos à l'Union européenne. Berne ne souhaite pas signer l'accord-cadre institutionnel en négociations depuis sept ans. Les Suisses ont jugé que le texte les aurait contraints à trop s'aligner sur le droit européen.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le drapeau suisse (à gauche) et le drapeau européen (à droite). (FRANCOIS WALSCHAERTS / POOL / AFP)

Depuis sept ans Berne et Bruxelles étaient en discussion, pour à la fois clarifier et renforcer leurs relations. La Suisse a beau être géographiquement au coeur de l'Europe, elle n'est pas membre de l'Union – en 1992 elle a refusé son adhésion par référendum. Avec ce texte les deux partenaires essayaient non pas d'organiser leur mariage mais plutôt de signer un Pacs, de mettre un peu d'ordre dans leurs papiers : aujourd'hui il existe entre eux 120 accords différents, c'est une énorme usine à gaz.
Le texte avait été finalisé en 2018, mais depuis les Suisses hésitaient. Ils demandaient des clarifications, réclamaient plus de concessions. On sentait bien qu'ils n'avaient plus trop envie de s'engager : Trop de divergences fondamentales

Mercredi 26 mai, la Confédération a donc officiellement mis un terme aux négociations. La rencontre à Bruxelles le 23 avril entre le président suisse Guy Parmelin et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n'avait pas permis de rapprochement sur les points litigieux.

Qu'est-ce qui a bloqué ? Les Suisses ont jugé que cet accord institutionnel les aurait contraints à trop s'aligner sur le droit européen, ils l'ont vu comme une atteinte à leur souveraineté. La libre circulation des personnes est le principal point de blocage. Non négociable pour Bruxelles, alors que Berne n'est pas du tout prêt à laisser passer n'importe qui à sa frontière à l'exception des travailleurs transfrontaliers.
Autre dossier problématique : la question des aides sociales. Pas question d'en accorder aux citoyens européens qui vivent dans le pays, "au risque de créer un appel d'air pour l'immigration" selon le parti UDC. Le dernier argument, c'est la protection des salaires, plus élevés en Suisse qu'en Europe. Il était aussi difficile d'y renoncer.

Pas de plan B

Maintenant que le divorce est consommé, que va-t-il se passer ? L'idée c'est de dire "on se sépare, mais on va rester bon copains". Berne considère qu'il est dans l'"intérêt commun de la Suisse et de l'UE" de préserver l'avenir de cette coopération et souhaite "engager un dialogue politique avec l'UE". Sauf que les Suisses n'ont pas vraiment de plan B

Et que sans cet accord institutionnel, Bruxelles refuse de négocier tout nouvel accord d'accès à son marché. Ce qui pourrait avoir des conséquences très concrètes pour les entreprises qui exportent des produits qui ne sont pas ou plus en ligne avec la réglementation européenne.

L'opposition unie dans la déception

L'enjeu est de taille pour la Suisse: l'Union européenne est le principal partenaire économique du pays alpin, qui gagne un franc sur trois par ses échanges commerciaux avec l'UE. 52% des exportations suisses prennent la direction de l'Union. La Commission européenne accuse le coup : "Nous regrettons cette décisionSans cet accord, (la) modernisation de nos relations ne sera pas possible et nos accords bilatéraux vieilliront inévitablement".

Dans l'opposition suisse cette décision crée beaucoup de déception : "une erreur fatale", un véritable "Waterloo" disent les Verts. À droite, le Parti libéral-radical regrette le choix de Berne, mais souligne que l'UE "n'a pas réussi à tenir compte des intérêts de la Suisse", tandis que la droite populiste UDC (premier parti du pays) salue la "victoire pour l'autodétermination".

Si cette histoire vous fait penser au Brexit, le ministre des affaires étrangères suisse assure que ça n'a rien à voir. "Le Brexit, c'est un pas en arrière", la Suisse, elle refuse juste de faire "un pas en avant".

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