Venezuela : un "oui" massif au référendum sur l'annexion d'une région du Guyana
L'opposition a beau dénoncer, après la tenue du référendum le dimanche 3 décembre, un succès en trompe-l’œil, une abstention massive (sur laquelle en effet aucun chiffre officiel n'a été publié), ça ne change rien : le président Nicolas Maduro se félicite d'une victoire "écrasante". "Nous avons réalisé les premiers pas d'une nouvelle étape historique dans la lutte pour ce qui nous appartient", a-t-il déclaré. Un succès qui va lui redonner des perspectives, alors qu'il est plutôt mal placé dans les sondages en prévision de l'élection présidentielle de 2024, qui se tiendra dans un pays rongé par l'hyperinflation (+ 234% en 2022).
Ce plébiscite, le Venezuela en fait un véritable doigt d'honneur au droit international. Car ce que dit ce vote, c'est que l'annexion de l'Essequibo (parfois appelé Guayana Esequiba) est tout à fait légitime, que la Cour internationale de Justice, pourtant censée arbitrer ce litige frontalier qui traîne depuis des décennies, n'a pas son mot à dire. Le 1er décembre, la plus haute juridiction de l’ONU a ordonné au Venezuela de s’abstenir de toute action qui modifierait le statu quo dans l’Essequibo. Ce vote dit aussi que les citoyens annexés prendront bien sûr la nationalité vénézuélienne. Ça vous rappelle la méthode de la Russie en Crimée ? C'est normal - même si les habitants de la future région annexée n'ont ici pas été appelés à voter.
10 milliards de barils de pétrole en jeu
Le jour du vote, plusieurs dirigeants (dont la vice-présidente Delcy Rodriguez et le président du Parlement, Jorge Rodriguez) ont diffusé une vidéo montrant des Amérindiens de l'Essequibo descendre le drapeau du Guyana pour le remplacer par un drapeau vénézuélien. Comme si faire entrer la province dans le giron du Venezuela était une évidence.
Quand un arbitrage international a été rendu en 1899, accordant l'Essequibo aux Britanniques, qui possédaient alors le Guyana, le Venezuela n'a pas contesté cette décision. Mais lorsqu'en 1964 le Guyana s'est lancé sur la voie de son indépendance, les revendications territoriales de Caracas se sont réveillées.
Et si aujourd'hui le Venezuela tient autant au rattachement de cette province, c'est parce qu'au large de ses côtes elle possède plus de pétrole off-shore que le Koweit et les Émirats réunis. On parle de réserves phénoménales de 10 milliards de barils. Caracas, qui a déjà des réserves énormes, veut agrandir son exploitation et n'a aucune envie de voir ce pactole lui filer entre les mains. D'autant que depuis les premières découvertes de ces gisements en 2015, le Guyana connaît une croissance fulgurante. + 62% l'an dernier, + 38% attendus cette année.
Le Guyana ne veut pas se laisser faire
Au Guyana, des chaînes humaines se sont formées le long des routes dans tout le pays pour dire l'attachement à l'Essequibo, ses 160 000 kilomètres carrés de forêt vierge (ce qui représente les deux tiers de la surface du pays) et ses 125 000 habitants.
Le président, Irfaan Ali, qui avait parlé du référendum comme d'une "menace existentielle", se veut malgré tout rassurant. "Notre première ligne de défense est la diplomatie et nous sommes dans une position très forte ", affirmait-il dimanche, soulignant que son pays dispose d'un vaste soutien international. "Il n’y a rien à craindre ni dans les heures, ni dans les jours ni dans les mois qui viennent ", a-t-il ajouté.
Le Guyana, membre du Commonwealth, pourra en effet compter sur le soutien de Londres et des États-Unis. Mais cela suffira-t-il à empêcher une intervention militaire ? D'autant qu'en termes de rapport de force c'est vite vu. Le Venezuela a à sa disposition plus d'un million et demi de paramilitaires, des avions de chasse et des chars, alors que le Guyana ne peut compter que sur quelques milliers d'hommes et aucun équipement lourd.
Le voisin brésilien qui partage sa frontière nord à la fois avec le Venezuela et le Guyana se dit malgré tout "préoccupé" et a renforcé sa présence militaire dans la zone. Depuis la COP28 à Dubaï, Lula a "espéré que le bon sens allait prévaloir". "S'il y a une chose dont le monde n'a pas besoin, dont l'Amérique du Sud n'a pas besoin, c'est de troubles", expliquait-il avant même le résultat du référendum.
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