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Costa Concordia: l’insoutenable attente sur l’île du Giglio

Un mois et demi après le naufrage du Costa Concordia, la justice Italienne avance, une audience préliminaire aura lieu demain. Retour sur cette catastrophe.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 6min
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Le
13 janvier dernier, le paquebot s’est échoué sur l’île du Giglio avec plus de
4200 personnes à bord. 25 personnes sont mortes. Les corps de 7 passagers n’ont
toujours pas été retrouvés. Et sur l’île, deux familles françaises vivent
quasiment sur place depuis le drame.

Les
Blémand et les Litzler. 2 couples unis dans le chagrin. Leur fille Mylène, 23
ans, et leur fils, Michael, 25 ans, étaient sur le Costa Concordia.

Un
couple heureux qui avait acheté un appartement il y a deux ans, des projets
plein la tête. Leurs corps n’ont officiellement pas été retrouvés. Leurs
parents ont décidé de venir sur place, suivre les recherches.

Désormais
sur l’île, tout le monde reconnaît ces silhouettes devenues familières qui
déambulent sur le port, discutent avec les sauveteurs. Hilaire Blémand, le père
de Michael observe tous les jours l’épave échouée sur les rochers et le ballet
des embarcations tout autour : "Nous sommes là pratiquement toute la
journée. Nous sommes à la recherche d’informations. Tous les jours, on nous
répète la même chose : les opérations continuent. On le voit bien que ça
continue. Mais ce n’est pas suffisant. Les jours passent et c’est très
douloureux."

"Retrouver
les enfants"

Pas
suffisants les moyens déployés, c’est ce qu’affirment les deux familles. Par
rapport aux premiers jours, elles constatent que les équipes de pompiers, de
militaires, de sauveteurs se sont largement amoindries.

Alain
Litzler, le père de Mylène, décrit, gestes à l’appui, jusqu’où s’étendait le
matériel de sauvetage sur le quai il y a encore un mois.

Il
sait que la France a proposé son aide, les autorités italiennes l’ont refusé.
Expliquant que cela compliquerait les opérations. Il ne comprend pas pourquoi,
ça l’agace. Il s’emporte. Et parle sans cesse de son obsession "retrouver les enfants" . Depuis le début, c’est ce qu’il
demande. Les premiers jours, il espérait qu’ils avaient survécu évidemment.
Aujourd’hui, il sait qu’ils sont morts. Mais il ne parle jamais de corps, il
parle "des enfants" .

Huit corps ont été retrouvés dans l’épave, il y a un peu plus d’une semaine. Ils
n’ont pas été identifiés et c’est l’un des motifs d’énervement des parents
français qui vivent sur Giglio. Alain Litzler fustige la lenteur des
identifications et surtout la légèreté des autorités italiennes :
"Depuis une semaine, on nous balade. On nous dit que les résultats
tomberont le lundi puis le mercredi puis le vendredi et maintenant, c’est la
semaine prochaine. C’est bizarre. Les journées sont longues, l’angoisse est là.
On ne dort plus mais ça n’émeut personne"
.  Les couples Litzler et Blémand
sont installés ici aux frais de la société Costa. Ils attendent mais ne dorment
plus. Ils patientent mais n’ont plus d’espoir.

Et
ils refont le film des événements. Les textos reçus le soir du naufrage,
jusqu’à minuit. Michael qui alerte son frère par ces mots : "Le bateau
penche de plus en plus. Préviens les parents sans leur faire peur"
. Pour
ne pas les effrayer son frère à préféré ne rien dire le soir même. Et puis,
plus de nouvelles. Le téléphone de Michael s’éteint définitivement le lendemain
matin vers 8h.

Et
dans la journée du samedi, via le numéro de téléphone d’urgence, on leur dit que
Mylène et Michael sont dans un bus en direction de Marseille. Le dimanche, tous
les bus sont arrivés et toujours rien. On leur explique alors que c’est une
erreur, Mylène et Michael n’ont jamais pris place dans ces navettes.

 " Trop
de pression" pour le commandant du navire

Demain,
lors de l’audience préliminaire, le champ d’action des experts sera déterminé
ainsi que le délai qui leur sera accordé pour rendre leurs conclusions. Le
commandant du navire ne sera pas présent. Son avocat a prévenu cette semaine
qu’il ne viendrait pas. "Trop de pression" , s’est-il justifié, et une
question d’ordre public.

Il
faut dire que Francesco Schettino est sans doute l’homme le plus détesté du
pays. Il s’est approché trop près des côtes, il n’a pas alerté les secours assez
rapidement et surtout, il a été l’un des premiers à quitter le bateau qui
coulait. "Normalement, il devait être attentif à tout moment" , s’indigne
Hilaire Blémand. "On me dit qu’il n’est pas le seul coupable, je veux bien le
croire. Mais il était le seul Commandant à bord. Il s’est barré comme un lâche
en abandonnant 4.200 personnes."
Et parmi elles, Mylène et Michael, leurs
enfants. Les retrouver, c’est la priorité d’Alain Litzler. Mais il aimerait
bien que la justice Italienne s’occupe du cas Schettino : "Il vit
tranquille lui, il n’a pas de problème. Il est en résidence surveillée et nous,
on ne vit plus. Ce n’est pas normal qu’il ne soit pas en prison"
.

Les
Litzler et les Blémand viendront assister à l’audience à Grosseto demain. Mais
ils ont bien du mal à quitter Giglio et ce paquebot, couché. Ce labyrinthe de
métal dans lequel se trouvent sans doute leurs enfants.

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