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La Grèce veut brader ses bijoux : des plages

La Grèce vit sa septième année de récession. Malgré les déclarations optimistes du gouvernement sur une "success story", la dette continue de grimper. Il faut à la fois la réduire et rembourser les milliards d’euros prêtés au pays. C’est notamment le but des privatisations lancées par le gouvernement. Parmi les bijoux de famille mis en vente : des plages. Le reportage d’Angélique Kourounis.
Article rédigé par Angélique Kourounis
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Sifnos en Grèce © Radio France/Angélique Kourounis)

La Grèce vit sa septième année de récession. Malgré les déclarations optimistes du gouvernement qui ne cesse de parler de "success story", la dette continue de grimper : 120% du PIB il y a quatre ans, 175 % maintenant. Il faut à la fois la réduire et rembourser les 240 milliards d’euros prêtés au pays depuis 2011. C’est notamment le but des privatisations entreprises par le gouvernement socialo-libéral. Parmi les bijoux de famille mis en vente : des plages. 

Une protestation générale

Le tollé face aux affiches "plages à vendre" est général. Selon la presse grecque, au moins 110 plages disséminées dans tout le pays sont à vendre.

  (Milos en Grèce © Radio-France/ Angélique Kourounis)

Certaines sont à coté de grands hôtels, comme c’est le cas à l’île de Limnos et bien sûr, ces hôtels sont intéressés. Si ces plages sont achetées, elles seront privatisées, payantes et peu de personnes  y auront accès.

D’autres sont situées en pleine réserve Natura 2000, c’est à dire totalement protégées par la loi comme à Elafonissos, dans le Péloponnèse.

Cette plage est un bijou ! Les Caraïbes en pleine Méditerranée, du sable fin à perte de vue, une eau turquoise et pas une seule construction aux  alentours. Les habitants l’ont préservée depuis des années. On vient s’y baigner des quatre coins de la  terre.

A Thessalonique dans le Nord, la promenade sur la jetée de la ville qui débouche sur une plage est menacée. Le tout sans aucune étude environnementale. Pourtant selon l’agence chargée des privatisations, le Taiped, c’est un hasard que toutes ces plages se soient retrouvées sur son catalogue. La porte-parole du Taiped, Maria Tsinaridou, explique :

"Je ne sais pas de quelles 110 plages vous parlez.Laissez moi vous expliquer, nous  sommes obligés pour des raisons de transparence, de publier tous les biens que l’état nous transfère  sur  notre site  mais cela ne veux pas automatiquement dire que cela sera  privatisé." 

Les habitants sont-ils rassurés pour autant ?

Le doute prévaut, car le Taiped  est loin d’avoir la transparence qu’il veut afficher. Ces plages ont bel et bien étés mises sur son catalogue. N’importe qui peut le voir sur  internet  et ce qui va au Taiped, c’est ce qui est destiné à être vendu. Et par le plus grands des hasards, juste au moment où le parlement s’apprête à adopter une loi qui permet le bétonnage des plages...

’un coté, on vend la plage et de l’autre, on facilite le bétonnage pour attirer le plus d’investisseurs possibles.

Les organisations de défense de l’environnement sont très inquiètes. Theodosia Natsiou de WWF Grèce réagit ainsi :

"La  France et la plupart des pays européens imposent une  distance de 100 mètres  du littoral pour construire, le Danemark 300 mètres, de même que la convention  européenne de protection  du littoral , pourquoi nous en Grèce, au nom de la crise on devrait passer des 50 mètres  actuels à 10 mètres ? On nous répond que les nouveaux touristes, les Russes,  les Chinois veulent des hôtels sur l’eau ou sur la plage et non à coté. Nous, on dit qu’il faut mettre des limites. Les  droits de l’homme, la protection de l’environnement, la qualité de vie, ce sont des limites et le tourisme restera quand même tout aussi attractif en Grèce !"

Les Grecs sont ils mobilisés ?

Leurs meilleurs alliés, c’est internet, ainsi que les réseaux sociaux. Plusieurs pétitions circulent pour stopper ce qui est tout de même une grande braderie. Plus de 200.000 signatures ont déjà été collectées.

Photis Yannopoulos et ses amis ont créé le mouvement Stop à la destruction du littoral grec .  Il propose un autre mode de développement  plus rentable pour le tourisme

"Récemment  il y a eu un article dans le NewYorkt Times  qui  montrait les 53 endroits qu’il fallait absolument visiter cet été. Partout où il s’agissait de  plages, c’était des plages totalement vierges, sans aucune intervention humaine. Nous ne comprenons pas comment on attirera des touristes avec du béton sur des plages. Apparemment, ce qui plait aux visiteurs , ce sont les endroits les moins  construits ."

  (Paros en Grèce © Radio France Angélique Kourounis)

Olivier Drot  responsable du site Okeanews.fr a mis en ligne la liste des plages mises en vente par le Taiped et les pétitions qui s’y opposent. Pour cet amoureux  fou de la Grèce, l’enjeu va bien au delà.

 "On a déjà massacré la santé, on massacre l’éducation, on a massacré les retraites,  massacré les salaires, massacré beaucoup d’espoirs en Grèce, un des meilleurs espoirs qu’à encore, la Grèce, c’est de pouvoir conserver un tourisme différent,  et le risque de cette loi, c’est de massacrer aussi tout cela."

Une chose est certaine, si cette loi sur le littoral passe, si ces plages sont vendues, la Grèce telle que nous la connaissons avec ses immenses plages libres d’accès, ses quelque 135.000 kilomètres de côtes et les criques ouvertes à tous n’existeront plus. 

 

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