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La prostitution bientôt abolie en France ?

Comme en Suède, où la prostitution a diminué de moitié, menacer les clients des prostituées de peines de prison et de fortes amendes, pour les décourager : voilà l'idée que vont proposer cet après-midi à l'Assemblée Nationale deux députés, une femme socialiste, un homme UMP.
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Ils séduisent déjà tous les groupes politiques avec leur proposition de résolution, qui se transformera dans les prochains jours, en proposition de loi. Si elle est votée, ce qui est quasi-certain, les clients de la prostitution risqueront désormais deux mois de prison et 3.750 euros d'amende.

"C'est le plus vieux métier du monde ", rigole un client, un quinquagénaire marié, qui descend de la camionnette blanche d'une jolie prostituée aux longs cheveux bruns. "Pénaliser les clients, je suis contre, c'est absurde ". C'est précisément pour tordre le cou à ce cliché stupide, et lutter contre ce vieux mythe du soi-disant "plus vieux métier du monde ", que Danielle Bousquet s'est lancée dans son combat abolitionniste. La députée socialiste des Côtes d'Armor ne supporte plus ce genre de propos machiste qui aboutit à un trafic international de plus en plus vaste, de plus en plus cruel pour les jeunes filles prises au piège des proxénètes.

"80% des 20 000 prostituées de France sont prisonnières des réseaux"

Sous les grands arbres du Bois de Boulogne, elles sont alignées, à quelques mètres d'écart. Elles n'ont souvent pas vingt ans. Elles sont blanches, noires ou métisses. Beaucoup sont presque nues, malgré la pluie d'automne et le vent qui soufflent dans les feuilles. Les jeunes garçons travestis sont nombreux, eux aussi. La plupart, sont aussi dévêtus. Devant eux, les motos, les voitures, grosses cylindrées, se garent sans cesse. Il est minuit, midi, quatorze heures. C'est toujours le même trafic. Toujours le même monsieur-tout-le-monde qui descend de son véhicule, marchande, puis repart, au bout d'un quart d'heure en moyenne. Un vieil homme de 70 ans revient vers sa voiture avec un petit sourire. Il a assouvi ses envies pour "le moins cher possible", se vante-t-il. "Quinze euros, mais comme elle était gentille, je vais aller lui donner cette rose jaune que j'avais gardée dans ma voiture".
Vient-il souvent fréquenter les prostituées du Bois de Boulogne ? "C'est exceptionnel , assure-t-il, mais là, j'ai mon amie qui est absente, alors j'ai un besoin que j'ai été satisfaire, c'est tout".

"Une loi ? Ca va [nous] envoyer plus loin, d ans le fin-fond des forêts ou des appartements sordides " Cathy, prostituée

"Le prix moyen d'une passe, c'est quarante, cinquante euros, avec protection" , explique Cathy, une jolie prostituée en petite robe de laine, vingt ans de métier. Cathy dit qu'elle travaille "à l'ancienne", dans sa petite camionnette aux rideaux tirés, avec son chien de garde, sous le siège, à l'avant. Ses clients fidèles l'appellent pour fixer rendez-vous, entre 11 heures et 17 heures. Elle ne fait pas de "trucs qui mettraient sa santé en danger". Elle jure qu'elle n'a "aucun proxénète". Cathy assure même qu'elle est "épanouie" dans la prostitution. Ca lui a permis, dit-elle, "d'élever correctement ses grands enfants et de leur payer des études dans des écoles privées réputées". Alors Cathy s'inquiète et s'emporte contre cette idée de pénaliser les clients de la prostitution. "Evidemment, si une loi comme ça passe, le client va avoir peur. Alors, nous sommes en temps de crise, notre chiffre d'affaires a été diminué par deux, voire par trois. On a du mal à vivre, et en plus, on veut nous mettre une loi comme ça sous un prétexte fallacieux, pour protéger les prostituées. Ca ne les protègera pas, ça va les envoyer encore plus loin dans le fin-fond des forêts ou des appartements sordides ", se plaint-elle. Kim, une de ses copines, quinze ans de prostitution derrière elle, partage cet avis. Et est-ce que "les politiciens pensent aux clients veufs et handicapés ?", interroge-t-elle. "Moi j'ai un handicapé qui vient me voir, c'est sa maman qui me le ramène, sur sa chaise roulante. Il n'a plus de nana. Il a des envies, comme tout le monde ", dit-elle.

"Ce que nous voulons surtout, c'est éduquer les clients" Danielle Bousquet, députée

Avec sa proposition de résolution, Danielle Bousquet aimerait rassurer Kim, Cathy, et tous les autres. C'est pour leur tendre la main qu'elle propose sa résolution, avec le parlementaire UMP Guy Geoffroy. "La France est une République dans laquelle on ne doit pas pouvoir vendre son corps pour vivre. Cela me semble être contraire à la dignité humaine ", explique la députée bretonne. Elle rêve de révolutionner les mentalités. "Nous ne voulons pas pénaliser les clients comme étant un objectif premier. Les deux mois de prison et 3750 euros seraient une sanction in fine. Ce que nous voulons surtout c'est éduquer les clients, qu'ils comprennent que le corps humain n'est pas une marchandise ". Pour éduquer les clients, Danielle Bousquet imagine des stages, "sur le modèle des stages pour retrouver les points de son permis ". "Mais il est temps que la sanction change de camp" .

Seul le proxénétisme est interdit à ce jour en France. Mais depuis 2003, et la loi voulue par Nicolas Sarkozy, les prostituées payaient déjà des amendes de plus de 3000 euros, pour racolage. Danielle Bousquet propose, elle, de donner des papiers aux prostituées qui n'en ont pas, de leur offrir un apprentissage pour vivre autrement qu'en vendant leurs corps. "L'abolitionnisme de la prostitution est la seule voie digne" insiste la députée, qui cite son modèle, la Suède.

A Stockholm, où les clients des prostituées risquent de se retrouver derrière des barreaux, la prostitution a diminué de moitié, en douze ans à peine. En Italie ou en Espagne, elle a explosé, avec quelque 500.000 travailleurs et travailleuses du sexe. Ou plutôt, des "esclaves " du sexe, pour la députée abolitionniste.

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