Le terroriste Carlos de nouveau devant ses juges
Cette campagne d'attentats, dans une France qui ne connaissait pas encore vraiment le terrorisme aveugle, est un douloureux mais lointain souvenir.
Peu de gens se souviennent de l'attentat à la voiture piégée de la rue Marbeuf, à Paris, de la bombe de la gare Saint-Charles, à Marseille, ou de celle placée à bord du train "Le Capitole". Peu de gens, sauf les victimes ou leurs proches.
"Quand j'ai voulu m'éloigner pour sauver ma peau, je ne pouvais plus marcher".
Exemple: Philippe Rouault, gravement blessé rue Marbeuf, le 22 avril 1982. Il était coursier à l'époque. Il avait 18 ans. Il en a 48 aujourd'hui. Mais ses souvenirs sont très précis :
"Il faisait super-beau ce matin-là. J'arrive rue Marbeuf. Je pose mon deux-roues le long de la boucherie Marbeuf et je passe devant la voiture piégée. Là, une énorme explosion se produit: l'apocalypse, une odeur affreuse. les vitrines qui tombent une à une, la déflagration qui vous pousse en avant. Quand j'ai voulu m'éloigner pour sauver ma peau, je ne pouvais plus marcher. J'avais une artère sectionnée, la jambe gauche presque arrachée.Je suis tombé dans le coma dans la voiture du Samu" .
Philippe Rouault assistera au procès. Mais beaucoup d'autres ne seront pas là. Certains sont morts, d'autres sont trop vieux ou trop malades pour se déplacer. D'autres encore ont été découragés par les lenteurs de la justice. C'est Françoise Rudetski, l'ancienne présidente de SOS-Attentats, qui portera la parole de tous ces oubliés:"Monsieur Guillerm a attendu ce procès pendant très longtemps. Il a perdu sa fille rue Marbeuf. Il ne vivait que dans l'attente de ce procès. Malheureusement il est décédé avant.Je pense aussi à Monsieur Periola, victime à Marseille. Il a perdu un bras, qu'on lui a recousu. Mais il ne l'a jamais plus utilisé. Quelques années plus tard, il s'est suicidé, à cause des souffrances qu'il endurait et de son handicap ".
L'itinéraire sanglant du "Chacal"
Le personnage central de toutes ces affaires appartient lui aussi à un passé lointain et révolu. Carlos, de son vrai nom Illich Ramirez Sanchez, a 62 ans aujourd'hui. Il est en prison en France depuis 1994, depuis son arrestation au Soudan. Il purge d'ailleurs déjà une peine de réclusion criminelle à perpétuité, pour les meurtres de deux policiers et d'un indic en 1975 à Paris.
Carlos, élevé par certains au rang de mythe dans les années 70, a sombré quand la Guerre Froide a pris fin. Quand les pays de l'ancien Bloc de l'Est, qui le protégeaient, l'on lâché.
"C'est un homme intelligent, mais c'est quelqu'un qui n'assume pas"
Aujourd'hui, c'est un homme seul, soutenu essentiellement par son avocate, et épouse, Isabelle Coutant-Peyre : " Son combat en tant que communiste révolutionnaire a commencé quand il avait 14 ans, au Vénézuela. Il l'a poursuivi plus tard avec la résistance palestinienne. Ce combat, il l'a toujours mené. Il n'a absolument pas changé d'opinion. L'Etat français triche et utilise tous les moyens possibles pour que les gens imaginent un autre personnage que ce qu'est Carlos ".
Les victimes des attentats redoutent les éventuelles provocations de Carlos au procès. Mais le vieux terroriste ne les impressionne plus vraiment. Pour l'un des avocats des victimes, Francis Szpiner, il fait partie de ces criminels qui n'assument pas: "C'est un homme intelligent, mais c'est quelqu'un qui n'assume pas. Vous ne pouvez pas être impressionné par quelqu'un qui est très en retrait de ce qu'il a fait. Je n'aurais ni estime, ni respect, mais au moins de la considération pour un homme qui dirait : voilà ce que j'ai fait. Voilà pourquoi je l'ai fait. Voilà quel était le sens de mon combat. Ce n'est pas son attitude, qui ressemble à celle de beaucoup de criminels médiocres que l'on voit dans les cours d'assises ".
Laurent Doulsan
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