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Les ouvriers de Blanquefort sans illusion politique

Le Plus de France Info en Gironde aujourd'hui pour connaître la réaction du monde ouvrier à l'élection de François Hollande. Et plus précisément les ouvriers de Ford à Blanquefort à côté de Bordeaux. Une usine où l'on fabrique des boites de vitesse et des carters. Une usine en sous-régime, visée par le chômage partiel. Et des interrogations pour l'avenir.
Article rédigé par franceinfo
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Les salariés passent du temps à s'interroger sur l'immense parking du site, bien trop grand désormais. Il y a eu jusqu'à 3 000 salariés en activité ici. L'usine créée en 1973 accueille maintenant moins de 300 employés chaque jour. Les 1200 autres qui font encore partie de l'effectif sont soit en pré retraite, soit en formation, soit au chômage partiel.

Ici on embauche à 6 heures du matin, pour ceux qui travaillent encore, et l'on débauche à 14 heures. Hier en début d'après midi, ils étaient quelques-uns à discuter sur ce triste parking, à l'entrée de l'usine. Ils aimeraient tant que leur entreprise fonctionne à nouveau normalement.

"J'espère !" s'exclame David, 20 ans d'ancienneté. "Pour l'instant, on voit plus se démanteler l'usine mais j'espère qu'ils ne nous prennent pas pour des guignols. Il paraît que l'activité va revenir mais pour le moment, on ne voit rien et l'alternance politique ne nous apportera pas de changement . "

David parle de véritables terrains de foot à l'intérieur de son usine. Les machines sont démantelées, des lignes entières d'assemblage qui ont disparu, de gigantesques espaces vides sous les toits de tôle jaune. Des machines dont les ouvriers ne savent pas exactement ce qu'elles deviennent. Certaines sont détruites, obsolètes, d'autres sont revendues mais ils ne savent pas à qui et pour quoi faire. Et le coût de leur démantèlement n'est pas connu.

Difficile d'imaginer un avenir

Laurent Marzin est élu CGT. Il est usineur depuis plus de 20 ans et en ce moment, il a été mis au chômage. Depuis Novembre, il revient un jour toutes les 5 semaines à peu près. Le reste du temps, il tourne en rond chez lui. Hier, il suivait à une formation : "On attend, là vous voyez aujourd'hui, on est en formation, une formation ridicule ", sourit-il, dépité. Une formation sur une conduite de machine à laver, on a vraiment le sentiment qu'ils nous prennent pour des idiots. Ca me fait vraiment rigoler. Et pour l'avenir, on ne sait pas. Que ce soit l'un ou l'autre des deux qui étaient au second tour, j'y crois pas du tout. Ca ne changera rien ."

Il faut dire que leur quotidien n'est guère réjouissant et ça ne date pas d'hier. Avec le chômage partiel imposé à la majorité des salariés, il y a les longues journées à attendre, sans vraiment savoir de quoi demain sera fait. Il n'y pas d'unité parmi ces salariés puisqu'ils ne se croisent plus au sein de leur entreprise. Difficile d'imaginer l'avenir. "Il n'y aura pas d'état de grâce pour le Président actuel ", prévient Jean-Luc Gassies élu CFTC au Comité d'Entreprise. Tous les salariés et le Peuple Français dans son ensemble attendent des actes comme il l'a attendu des gouvernements précédents. Les organisations syndicales ne laisseront pas faire les choses si ça ne va pas dans le bon sens. Moi, j'ai vu notre ancien patron dire à Madame Lagarde, alors ministre de l'Economie, qu'il était un businessman et qu'il ferait ce qu'il voulait. Il faut espérer que François Hollande mette en place des lois qui empêchent ce genre de discours ."

Christine Lagarde, ministre de l'Economie impuissante face à un grand patron, une scène qui a beaucoup marqué cet élu syndical. Et qui symbolise l'impuissance des politiques que dénoncent de nombreux ouvriers ici. Pourtant, sans le soutien politique, l'usine serait peut-être déjà fermée. C'est ce que rappelle le Maire de Blanquefort, le socialiste Vincent Feltesse. Ce sont des fonds publics qui permettent les périodes de formation et qui maintiennent l'activité qui subsiste. Une activité politique qui a obligé Ford à racheter l'entreprise peu de temps après l'avoir vendue.

*"On continuera à se battre" *

Et aujourd'hui, Vincent Feltesse, n'hésite pas à dire qu'il va faire jouer ses relations. C'est un proche de François Hollande, il était son Monsieur Web pendant la campagne. Il va l'alerter : "Oui, bien sûr. Ce sera l'une des mes priorités dans les prochaines semaines, de mettre ce dossier sur le haut de la pile. Ca fait partie des 5 ou 6 dossiers industriels qu'il faut traiter rapidement. On continuera à se battre pour que les engagements de Ford soient respectés. Finalement, cette entreprise, qui paraissait condamnée il y a quelques années, a encore un avenir même s'il est incertain ."

S'il y a bien un ouvrier à Blanquefort qui ne croit pas en ses promesses, c'est Philippe Poutou. Le candidat NPA à la présidentielle travaille ici. Il avait appelé à voter Hollande au second tour pour faire barrage à Sarkozy. Mais, il n'imagine pas que le dialogue social sera plus simple avec un président socialiste.  "Ca reposera de toutes façons sur une pression et un rapport de force ", assure Poutou. Les discussions ne suffiront pas forcément. C'est facile de se faire balader. Les gens de Gauche savent aussi très bien balader les salariés. On sera fixés rapidement entre les Arcelor, les Fralib, les Petroplus... Il y aura plein d'occasions de vérifier la bonne parole du Parti Socialiste. A nous d'exercer cette pression par en bas afin d'obtenir la satisfaction des besoins des gens ."

L'attitude du président élu sera suivie avec attention à l'usine Ford de Blanquefort. Déjà déçus de la politique, ces ouvriers pourraient rapidement en être dégoûtés.

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