"Ma vie a basculé à cause d'une simple pilule"
Celle par qui la polémique est
arrivée s'appelle Marion Larat, une jolie bordelaise brune de 25 ans. En 2006 :
cette étudiante brillante et sportive est terrassée par un grave accident
vasculaire cérébral. Neuf opérations plus tard, elle reste handicapée à 65 %,
victime encore aujourd'hui de crises d'épilepsie à répétition.
Au début Marion l'a vécu comme une
fatalité. Puis quatre ans après l'accident, souffrant de règles anormalement
abondantes, elle se dit que cela ira
sans doute mieux si elle reprend la pilule. Mais elle se heurte à un refus net
de sa nouvelle gynécologue qui l'envoie chez une hématologue. "C'est précisément à cause de votre ancienne
pilule de troisième génération, Meliane, que vous avez été victime d'un AVC.
Vous aviez un facteur de risque étant donné votre coagulation. Vous n'auriez
jamais dû vous la faire prescrire" , expliquera ce médecin.
En juin dernier, la commission
régionale d'indemnisation des accidents médicaux a confirmé le lien entre son
AVC et sa pilule. Marion ne décolère pas. "Ma vie a basculé à cause d'une pilule, c'est inadmissible. Mes
séquelles sont énormes. La Marion d'avant est morte et je ne le pardonnerai
jamais" , dit la jeune femme qui a décidé de transformer sa rage en
combat.
Deux
cents femmes prêtes à porter plainte
Le 14 décembre, elle a porté plainte
contre le laboratoire Bayer, et l'a fait savoir. Cela a ouvert une brèche.
Depuis cette date, son avocat croule sous les sollicitations : "Je suis moi-même étonné de voir le nombre de
jeunes femmes qui viennent nous raconter leurs AVC ou leurs embolies sous
pilule de troisième génération. Certaines ont de lourdes séquelles, d'autres
n'en ont pas et ont eu beaucoup de chance. Puis il y a cinq familles qui ont
fait appel à moi et à mes collègues parce que leurs filles n'ont pas survécu à
l'AVC qui les a terrassées. "
Les victimes seraient donc moins
rares que ce que disent les laboratoires. Une association pourrait aussi se
porter partie civile : l'AVEP. Son président Pierre Makarian a perdu sa fille
Theodora d'un AVC dont la responsabilité est attribuée à la pilule.
Preuve que la justice prend cela
très au sérieux : le pôle santé du tribunal de Paris s'est saisi du dossier,
comme pour le Mediator. Parmi les 200 plaintes, il y aura sans doute celle de
Vanessa, infirmière à Orléans, mère de deux enfants, victime à Noël d'une embolie
pulmonaire. Elle s'en sort avec trois semaines d'arrêt et six mois de traitement.
Pour elle, peu de doute : sa
nouvelle pilule de 3ème génération est en
cause. "À partir du moment où le
diagnostic a été établi, j'ai vu trois médecins successivement dans trois
services différentes, aux urgences, en cardiologie et en soins intensifs. Tous
ont commencé par me poser une question : 'Sous quelle pilule
êtes-vous ?' ça à de quoi interpeller quand on a manqué de peu de mourir ",
raconte-t-elle.
Selon elle, les médecins
hospitaliers font le rapprochement, car ils voient les dégâts. Et les
gynécologues de ville qui font les prescriptions seraient eux moins
sensibilisés. Vanessa prenait jusqu'à cet été une pilule "deuxième
génération" et cela ne lui posait aucun problème.
C'est sa nouvelle gynécologue qui en
août dernier lui en a fait changer préférant Desobel, pilule de troisième
génération sans explication précise et sans information sur les risques. Jointe
par France Info, cette gynécologue orléanaise a refusé catégoriquement toute
discussion, toute interview.
Parler
pour éviter de nouveaux drames
De nombreux médecins ont par
ailleurs continué de prescrire la pilule de troisième génération en première
intention, c'est à dire comme première pilule aux toutes jeunes filles, alors
que depuis 2007 la Haute Autorité de Santé l'a formellement déconseillé.
Cela a été le cas pour Amélie, Strasbourgeoise
de 26 ans, victime d'un AVC il y a un an. Elle n'a pas de séquelles motrices
mais en garde des troubles cognitifs. Ses émotions ne sont plus les mêmes
qu'avant. Comme beaucoup de victimes, ce que souhaite en priorité Amélie, ce ne
sont pas des indemnisations. "Pour
nos petites sœurs, nos filles, pour les jeunes filles à l'avenir, je ne peux
pas rester silencieuse, il faut tout faire pour que des accidents vasculaires
comme le mien soient évités maintenant. C'est de notre responsabilité",
confie Amélie.
Avec la multiplication des
témoignages de ce type dans les médias ces derniers jours, le principe de
précaution semble reprendre le dessus. Depuis deux semaines, de nombreux
généralistes et gynécologues se mettent à prescrire, à leurs patientes sous pilule 3ème ou 4ème
génération, une analyse de sang pour vérifier tout simplement qu'elles n'ont pas
de problème de coagulation. Une analyse qui coûte moins de cent euros.
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