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Quand la crise syrienne déborde au Liban voisin

Plusieurs accrochages violents se sont produits ces dernières semaines au Liban, notamment dans la ville de Tripoli où vit une petite communauté alaouite, pro syrienne, qui s'oppose à la majorité sunnite, anti syrienne. Les affrontements ont fait une vingtaine de morts. Ersal, une autre ville frontalière de la Syrie a connu des incidents récemment Reportage de la correspondante de France Info Valérie Crova.
Article rédigé par franceinfo
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Ersal est située à 150 km
à l'est de Beyrouth. Il faut trois heures de voiture pour y arriver. On passe
tout près de Balbeck puis on monte par la route dans une région montagneuse où
il y a plus de 60
kilomètres de frontière commune entre le Liban et la
Syrie. Le 6 juin dernier, l'armée syrienne a fait ici une incursion de
2 kilomètres
à l'intérieur du territoire libanais. Des soldats syriens ont tué un jeune
libanais que le maire d'Ersal, Ali
Aj Hujeiri, présente comme un simple fermier. "C'est la troisième personne qui est tuée par l'armée
syrienne. Le village d'Ersal soutient la révolution syrienne et leur
objectif
est devenu CE village. Nous appartenons à la même constitution
sociologique.
C'est notre deuxième pays la Syrie. Et c'est notre prolongement naturel.
Il faut
savoir aussi que les syriens subissent une grande injustice
", explique le maire.

"Avant, ils attaquaient les maisons, ils
kidnappaient des personnes mais depuis quelques temps, ils sont carrément en
train de tuer les gens" - Le maire d'Ersal

A Ersal, les Libanais et les Syriens forment
une grande famille. Les liens sont très forts. Et depuis que le régime syrien
réprime durement le mouvement de contestation et les manifestants, un vaste
réseau de solidarité s'est mis en place comme en témoigne cet autre responsable
local d'Ersal, Abou Hassan : "A chaque fois qu'il y a une attaque de l'armée syrienne
contre les villes de Homs et de Kousseir les blessés sont acheminés ici. Nous
déployons des efforts énormes pour leur apporter toute l'aide nécessaire. Cela
explique pourquoi le régime veut se venger des habitants de
Ersal
".****

Ersal, base arrière de l'armée syrienne libre ?

Il y a environ un mois, des voix se sont élevées au Liban, notamment le ministre de la Défense, accusant des membres
d'Al Qaida de passaier par Ersal pour entrer en Syrie. Les responsables de
la ville ont toujours nié ce genre de complicité. En revanche, il est fort possible que des Libanais hostiles à Bachar el Assad fassent passer des armes par la frontière
très poreuse ce qui pourrait expliquer que les Syriens aient décidé de mener des opérations
punitives...

On dit aussi que des membres de l'armée syrienne libre viennent à
Ersal pour se reposer quelques jours avant de repartir au combat. Nous n'avons pas pu en rencontrer car les autorités locales font tout pour cacher cette réalité et ne pas attiser
un peu plus les tensions.

Des vergers zone de guerre

Autre conséquence, économique celle là, pour les
habitants d'Ersal :  les agriculteurs
n'osent plus aller sur leurs terres qui longent la frontière. Cet homme, par exemple, possède 400 arbres
fruitiers. Père de 10 enfants, il a peur aujourd'hui d'aller ramasser ces fruits qui font vivre
toute sa famille : "Il y a des batailles qui se déroulent chez eux. C'est
possible que les Syriens doutent de certaines personnes qui sont chez nous. Je
ne sais pas ce qui leur passe par la tête. Si on va là-bas on n'est sûr de rien.
Ils peuvent nous tirer dessus de loin. A la limite on pourrait leur dire :
écoutez, nous voulons simplement nous
occuper de nos cerisiers. Mais il est possible qu'ils ne le comprennent pas
".  

600 familles syriennes réfugiées à Ersal

Le
village d'Ersal accueille également beaucoup de réfugiés syriens qui sont
arrivés au fur et à mesure que les combats se sont intensifiés en Syrie. Quelques 600
familles sont logées dans des maisons que des habitants d'Ersal leur prêtent. Nous avons rencontré trois familles qui partagent un rez-de-chaussée de
20 mètres
carrés. Ils ont fui la ville de Kousseir, régulièrement bombardée par l'armée syrienne. L'un d'entre eux est
arrivé il y a trois jours avec sa femme et ses quatre enfants. Ils ont mis 48 heures pour
rejoindre Ersal, aidés par des membres de l'Armée syrienne libre. "La situation empire jour après jour. Il faut dire que
dès le départ, ils n'avaient pitié de personne mais maintenant ils sont en
train de bombarder et de brûler les maisons avec des enfants à l'intérieur. Il
n'y a pas d'autres solutions que l'intervention militaire ou celle de Dieu....
Vous savez, ça fait 15 mois que nous assistons à des réunions des pays arabes.
Il y a eu les observateurs, le plan de Kofi Annan, mais rien n'y fait."

"Nous voulons
honnêtement en finir et je pense que seule l'intervention militaire peut mettre
fin à cet engrenage
" - Un réfugié syrien

Son cousin veut également que la communauté
internationale se décide à mettre en place des couloirs humanitaires et
surtout qu'il y ait des frappes ciblées... "Nous voulons que l'intervention armée se fasse en
ciblant tous les symboles de ce régime. Nous sommes un peuple simple. Nous
n'avons aucun sentiment confessionnel. Nous voulons tout simplement en finir
avec ce régime et vivre ensemble, tranquillement, toutes communautés
confondues, comme les Syriens vivaient avant, comme nos ancêtres, sans sentiment
confessionnel.
"

Ce sentiment confessionnel progresse pourtant en
Syrie, ce qui fait craindre des règlements de compte de nature à plonger le pays
dans une guerre civile généralisée. Le monde entier redoute un tel scénario mais les Libanais qui seraient parmi les premiers à en subir les conséquences.

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