Le drame de Crépol : ultra / extrême droite, fait divers ou fait de société ?

Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de franceinfo, est au micro d’Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, pour répondre aux questions des auditeurs.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Enquête devant la salle des fêtes de Crépol, décembre 2023, photo d'illustration. (STEPHANE MARC / MAXPPP)

Une question revient souvent dans les remarques des auditeurs auprès de la médiatrice des antennes de Radio France, au sujet du drame de Crépol. "J’aimerais comprendre pourquoi les journalistes appellent désormais l’extrême droite, ultradroite. Que signifie ultra ? Quelle différence avec extrême ? Si c’est la même chose, pourquoi ce choix de mots ?"

Emmanuelle Daviet : Que répondez-vous à ces auditeurs, Florent Guyotat ? 

Florent Guyotat : Alors clairement, ce n’est pas la même chose. On parle d’abord d’extrême droite pour des partis politiques et des idées politiques. Le Rassemblement National, Reconquête, en France, sont communément classés à l’extrême droite. Littéralement à droite de la droite, sur l’échiquier politique et puis sur le plan des idées, on observe aussi une défiance constante, vis-à-vis de l’immigration. Donc, extrême droite, c’est pour les partis politiques et pour des idées.

Mais c’est vrai qu’à l’antenne, vous entendez aussi parler d’ultra-droite. Là, on emploie ce terme volontairement, pour différencier des groupes qui souvent ont des idées d’extrême droite, mais qui, en plus, font de la violence un instrument de leur action politique. C’est clairement hors du champ républicain, et c’est le cas notamment pour le groupement Division Martel, dont la dissolution a été annoncée début décembre, en Conseil des ministres. Un groupement, on le rappelle, qui est accusé, dans le compte rendu du Conseil des ministres, d’avoir voulu s’en prendre à des personnes d’origine maghrébine, et aussi d’avoir participé à une expédition punitive, après le meurtre du jeune Thomas à Crépol. Expédition punitive dans un quartier de Romans-sur-Isère, la ville voisine.

On poursuit avec cette demande d’un auditeur : "J’aimerais que vos journalistes creusent la signification du drame de Crépol. Alors, sur votre antenne, on entend deux affirmations diamétralement opposées, d’une part des experts selon lesquels il ne s’agit que d’un fait divers, dont l’exploitation par l’extrême droite est donc induite. D’autre part, le porte-parole du gouvernement ou bien des politiques affirmant qu’il ne s’agit pas d’un fait divers" ?

Alors qu’en est-il ? Un fait divers devenu un fait de société ou un fait de société dès les premières minutes du drame ?

Alors un fait divers, par définition, c’est très large. Ça peut désigner beaucoup de choses : des violences, des blessures, un accident, un meurtre, des affrontements. La question, c’est de savoir si ce fait divers devient un fait de société, c’est-à-dire s’il dit quelque chose sur notre société. C’est la question que nous nous posons en permanence.

Manifestement, dans le cas de Crépol oui, c’est devenu un fait de société. D’abord, parce que tous les partis politiques l’ont commenté, et ont donné leur interprétation, je dis bien leur interprétation, de ce qui s’est passé. Et puis, au-delà des politiques, il est évident, que ce fait d’actualité renvoie à des débats au sein de notre société, notamment sur la sécurité, et sur les tensions qui peuvent exister entre différentes zones du territoire français.

J’invite les auditeurs à aller lire également ce que l’on en dit, sur le site de la médiatrice de Radio France. On termine avec cette question Florent Guyotat, comment la rédaction a-t-elle poursuivi son travail d’investigation pour couvrir cette actualité ?

Alors, vous avez entendu sur franceinfo, comme sur d’autres médias, les réactions, les commentaires des personnalités politiques sur cette affaire. C’est normal, c’est le débat public, on doit les entendre. Mais je laisse à chacun de ces partis politiques, la responsabilité de leurs propos.

Nous, on a d’abord essayé d’enquêter sur les faits, sur ce qu’il s’est passé réellement. Nous sommes bien sûr allés à Crépol, à Romans-sur-Isère avec nos envoyés spéciaux et avec le concours des journalistes de France Bleu Drôme-Ardèche, sur place. Dans cette affaire, je vous le rappelle, le procureur a appelé à la plus grande prudence. Il a appelé à se garder de toute conclusion hâtive. Et nous, clairement, nous nous inscrivons dans ce cadre.

Nous avons montré que le dossier était très complexe. Il n’est pas possible à l’heure actuelle, compte tenu des éléments qui sont en notre possession, d’affirmer que la mort du jeune Thomas correspond à un crime raciste, même si des témoins ont entendu, de part et d’autre, des propos racistes. La préméditation non plus, à ce stade, n’est pas établie. Nous avons donc enquêté, nous avons incité à la prudence, et nous devons encore enquêter. Nous le ferons dans les prochaines semaines pour savoir ce qu’il s’est passé précisément.

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