Cet article date de plus d'un an.

Les conditions de travail des reporters qui couvrent les manifestations

Benjamin Illy, reporter à franceinfo, est l'invité d'Emmanuelle Daviet, la médiatrice des antennes de Radio France.
Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Violences et dégradations après la manifestation du 23 mars dernier à Paris. (BENJAMIN ILLY / FRANCEINFO)

Lors des manifestations contre la réforme des retraites, chacun a pu voir des scènes violentes, des débordements difficilement contrôlables et des auditeurs s’interrogent sur la sécurité des journalistes qui couvrent ces manifestations. Benjamin Illy, reporter à franceinfo, a notamment couvert récemment, le 29 mars, les manifestations contre la réforme des retraites avec les Pompiers de Paris. 

Emmanuelle Daviet : "En couvrant ces manifestations, avez-vous le sentiment de travailler dans des conditions de tension ?" demande un auditeur

Benjamin Illy : Alors, il y a en fait différentes parties dans le cortège. C’est sûr que si vous suivez la manifestation à l’arrière du cortège avec les camions syndicaux, là, c’est plutôt fanfare et une ambiance, selon l’expression consacrée, plutôt bon enfant. Même si la colère sociale, elle, est là, elle est saillante. Mais il y a toujours dans ces manifestations parisiennes, un pré-cortège avec plusieurs milliers de personnes. Et c’est là qu’on retrouve des individus au visage masqué, souvent vêtus de noir. Des mouvements d’ultra-gauche aussi. Et là, c’est beaucoup plus véhément. Et c’est là que les violences se concentrent, et qu’il y a des affrontements régulièrement entre ces manifestants et les forces de l’ordre. Mais il faut vraiment faire la distinction.

Et dans ce pré-cortège, parce qu’on le suit souvent au plus près à chaque manifestation parisienne, oui, il y a des moments où il faut faire très attention à sa sécurité, parce qu’il y a des jets de projectiles. On est souvent pris dans les gaz lacrymogènes, malgré nous. Donc oui, il faut être vraiment en éveil et toujours trouver l’issue. Parce qu’en fait, à un moment, on peut être pris entre une charge, ou coincé entre les manifestants et la charge. Donc c’est toujours bien d’avoir l’échappatoire, pour repérer la petite rue qui nous permettra de nous mettre à l’abri.

A titre personnel, avez-vous été victime ou témoin de scènes violentes ou dangereuses pour votre sécurité ?

Pour ma sécurité personnelle, je ne me suis jamais senti en danger, directement ciblé, par ces violences. Mais en effet, on est au milieu de cette pagaille et de cette colère qui devient presque physique dans ce pré-cortège. Donc oui, il faut penser à cette sécurité, à chaque instant.

Un auditeur souhaite savoir comment vous réagissez face à l’hostilité ou à la méfiance des manifestants à votre égard. Et d’ailleurs, existe-t-elle vraiment cette hostilité ?

Sur ces manifestations-là, liées à la réforme des retraites, le journaliste, selon moi, et en tout cas encore une fois selon mon expérience personnelle, n’est pas la cible. Si on compare avec le mouvement des Gilets jaunes, clairement le journaliste était une cible de cette colère des Gilets jaunes. On le voyait sur les pancartes, dans les messages, dans les slogans. Il y avait des slogans hostiles aux médias. Et c’est d’ailleurs à partir de là qu’on a eu des agents de sécurité qui nous ont accompagnés en manifestations.

Là, sur cette séquence retraites, je n’ai pas eu le sentiment d’être ciblé par les commentaires des manifestants. Il y a évidemment toujours un peu de tension, des critiques, mais les gens étaient plutôt volontaires pour s’exprimer à notre micro.

Vous évoquez la présence d’un agent de sécurité. Une auditrice demande quels sont les moyens mis en œuvre pour garantir la sécurité des journalistes sur le terrain ? Ont-ils un équipement particulier ?

Alors maintenant quand on se rend à une manifestation à Paris, on part avec un casque de vélo, pas un casque intégral comme peuvent l’avoir les pompiers ou les policiers, mais un simple casque qui peut nous protéger des jets de projectiles. On part aussi avec un masque à gaz. Personnellement, je ne l’ai jamais utilisé, parce que tout simplement, je n’ai pas eu le temps de le sortir, quand on a été pris dans les gaz lacrymogènes. On a aussi des sortes de grosses lunettes de piscine, pour essayer de se protéger, encore une fois, en cas de jets de projectiles liés aux gaz lacrymogènes. Voilà, c’est tout.

Et puis on a cet agent de sécurité qui désormais nous accompagne. Et je vous avoue que dans les moments de tension au sein du cortège, moi je trouve ça vraiment indispensable parce que nous, on est concentré sur le reportage, sur la prise de son, sur le fait de raconter ce moment. Et parfois, on peut oublier de regarder ce qui se passe autour de nous. Et là, l’agent de sécurité a un rôle essentiel.

Le 29 mars, justement, il était à vos côtés pour que vous puissiez réaliser le reportage dont on a écouté quelques extraits en début de chronique ?

Clairement, si vous pouvez entendre ce reportage, c’est parce qu’il y avait un agent de sécurité à mes côtés, parce que, ce que vous entendez, c’est moi, l’agent de sécurité et le pompier. On se rend au milieu de la foule, vraiment au cœur des affrontements. On avait des jets de projectiles dans tous les sens. Je n'y serais pas allé sans agent de sécurité, très clairement à ce moment-là.

Avez-vous parfois été empêché par les autorités d’avoir accès aux lieux de manifestation ?

Non. Personnellement, je n’ai pas eu cette expérience. Mais je parle vraiment de mon point de vue. J’imagine qu’il peut y avoir des problèmes parfois, on peut le constater sur les réseaux sociaux avec des vidéos qui circulent. Moi, je parlais de mon expérience personnelle. Je n’ai été empêché à aucun moment de travailler.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.