Alexandre Parvus : l’escroc révolté
Riche marchand, courageux combattant sur les barricades de 1905, ami de Trotski et agent bien rémunéré des services secrets allemands, Alexandre Parvus était à la fois un séducteur, un révolutionnaire convaincu et un escroc.
Parvus était marqué par un dédoublement de la personnalité frôlant la schizophrénie politique. Son vrai nom était Helphand. Né en 1867 dans une modeste famille d’artisans originaires de la province de Minsk, capitale de la Biélorussie, il fit de brillantes études, d’abord à l’école, sous les châtaigniers parfumés d’Odessa, puis à l’université de Berne, en Suisse. Dès l’âge de quatorze ans il fut témoin des pogroms et fut à jamais marqué par la haine de la monarchie russe, symbole du mal absolu.
De la révolte à la finance
Trotski, puis Parvus, dirigèrent à tour de rôle le Premier Soviet des députés du peuple de la capitale de l’Empire et organisèrent la première grève politique générale de l’histoire de la Russie qui devait aboutir à l’insurrection armée.
Décrivant d’un style flamboyant ces jours fatidiques, Parvus déclara : "Trotski et moi-même, nous étions les deux cordes de la harpe sur laquelle se jouait la tempête de la révolution." Mais le 17 octobre 1905, Nicolas II signa un manifeste marquant formellement la fin du pouvoir absolu en Russie et l’utilisation de la force accompagnée par les réformes proposée par Stolypine. Cela tua le mouvement de révolte, obligeant les révolutionnaires à prendre de nouveau le chemin de l’exil.
Le complice du tout Istanbul
1907-1908 fut la période la plus trouble de la vie de Parvus. De nouveau établi à Munich, il s’occupa plus de ses affaires que de politique et devint très vite un financier en vue de la capitale bavaroise. Parvus utilisa les relations de sa maîtresse pour refaire sa vie d’homme d’affaires en Turquie et devenir bientôt le complice du tout Istanbul, source précieuse d’information pour l’ambassadeur d’Allemagne.
En cinq ans, il se construit une situation enviable, se spécialisant dans la vente d’armes en provenance d’Allemagne, tout en cultivant ses contacts avec les services secrets. En réalité, l’objectif de Parvus était de manipuler tous les acteurs en présence, le Kaiser, les révolutionnaires russes, et Lénine lui-même, tout en se remplissant les poches.
Une aide pour Lénine
Le retour d’exil du leader bolchevik en avril 1917 a marqué le début d'une autre étape de la coopération étroite entre Parvus et Lénine.
De sa propre initiative, Parvus s’occupa de l’organisation du voyage, n’hésitant pas à contacter à ce sujet, non seulement le ministère allemand des Affaires étrangères, mais le Kaiser en personne. Pour les Allemands, le retour de Lénine en Russie était un enjeu crucial car ils comptaient sur lui pour "affaiblir la puissance russe".
Dans cette affaire, Lénine, n’étant pas dupe des véritables intentions de l’Allemagne, menait prudemment les négociations par l’intermédiaire des socialistes suisses Robert Grimm et Fritz Paten. De surcroît il était représenté par son adjoint au Politburo Zinoviev.
Le wagon plombé
De plus, comme il savait qu’il pourrait être accusé d’espionnage en faveur de l’Allemagne, à cause de ses rapports avec Parvus, il évoqua la nécessité de donner le statut d’extraterritorialité au wagon qui allait être utilisé pour le voyage. Les Allemands acceptèrent le marché et dégagèrent d’importants crédits pour financer l’opération.
Arrivé en Suède, le wagon plombé dans lequel se trouvait Lénine, sa femme Nadejda Kroupskaïa, sa maîtresse Inès Armand et d’autres bolcheviks, fut accueillit par l’inévitable Ganetski qui leur fournit des billets pour le reste du voyage.
Persuadé jusqu’à la fin de ses jours que la révolution bolchevique n’aurait pas été possible sans "son" wagon plombé et que, sans le coup d’Etat d’octobre la Russie ne serait pas sortie de la guerre, Parvus eut beau jeu d’affirmer que cette affaire avait contribué à changer "le cours de l’histoire mondiale ".
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