Avenir du budget, travail parlementaire, démission du président... Le vrai ou faux junior répond aux questions sur la chute du gouvernement Barnier

La constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina décrypte le cadre juridique qui a conduit à la démission du gouvernement de Michel Barnier et déconstruit les fausses informations qui circulent sur les prochaines étapes politiques.
Article rédigé par franceinfo, Valentine Joubin
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Publié Mis à jour
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Le Premier ministre Michel Barnier, avant la présentation de sa démission, à l'Assemblée nationale, le 4 décembre 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

Du déclenchement de l'article 49.3 de la Constitution par Michel Barnier, lundi 2 décembre, pour faire passer le projet de loi de budget de la sécurité sociale sans vote, jusqu'à la démission du gouvernement acceptée par Emmanuel Macron, jeudi, la France vient de vivre une folle semaine politique. Pour comprendre toutes les étapes de cette mécanique institutionnelle, les collégiennes et collégiens du Vrai ou faux junior interroge Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, maîtresse de conférence en droit à l'université de Rouen et autrice du livre Cette constitution qui nous protège (XO Editions).

Le 49.3, un article pour "finir la discussion"

Kenzo : "J'aimerais beaucoup me renseigner sur le 49.3. On en entend beaucoup parler mais qu'est-ce que c'est ?"

"L'article 49, alinéa 3, c'est une procédure qui est proposée par la Constitution au premier ministre pour finir la discussion avec son Assemblée nationale, détaille Anne-Charlène Bezzina. Si l'Assemblée nationale n'est pas d'accord avec lui sur un texte, qu'elle veut encore le changer, gagner ou perdre du temps, le Premier ministre peut dire stop. Il change complètement l'alternative. Il dit : C’est ou ce texte-là, comme ça, avec ma version ou vous me renversez et vous renversez mon gouvernement. Et dans ce cadre-là, l'Assemblée nationale peut choisir de ne pas adopter le texte et de renverser le gouvernement ou de ne pas renverser le gouvernement et donc d'adopter le texte sans avoir vraiment pu le discuter et le changer".

En l'occurrence, ce qu'a choisi l'Assemblée nationale mercredi 4 décembre, c'est de renverser le gouvernement pour empêcher Michel Barnier de faire passer son projet de budget  de la sécurité sociale (PLFSS) sans vote. 331 députés ont voté la motion de censure déposée par les députés LFI, alors qu'il fallait au minimum 288 voix pour que cette motion soit adoptée.

L'avenir du budget très incertain

Nathan : "Quelles sont les conséquences pour les budgets de la sécurité sociale et celui de l'Etat en cas de censure du gouvernement ?"

C'est une question très concrète et importante mais à laquelle il est très délicat de répondre pour le moment. D'une part parce qu'il s'agit d'une situation politique exceptionnelle. Ce n'est que la deuxième fois sous la Ve République qu'un gouvernement est censuré. La première remonte à 1962. D'autre part, en ce qui concerne le budget, il y a beaucoup de scénarios possibles. On pourrait passer des heures à les imaginer. Or la mission du vrai ou faux junior, ce n'est pas de faire de la politique-fiction.

Les travaux parlementaires interrompus, pas annulés

Sasha : "Est-ce que les lois en cours de vote seront annulées par le gouvernement ?"

Tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé, les ministres démissionnaires assurent les affaires courantes. L'usage veut qu'ils ne prennent pas d'initiative. Actuellement, tous les projets et propositions de lois en cours d'examen sont interrompus. Ensuite, quand le successeur de Michel Barnier sera nommée, ce sera à elle ou à lui de décider de poursuivre ou d'abandonner l'examen des textes portés par le gouvernement précédent. Les sénateurs et députés ne se tournent pas les pouces pour autant : les travaux en commissions, avant l'examen des textes, eux, se poursuivent.

Non, Emmanuel Macron ne doit pas démissionner

Assia : "J'ai vu sur TikTok que Macron allait devoir démissionner à cause du 49.3. Est-ce vrai ?"

"Non, ce n'est pas vrai, répond Anne-Charlène Bezzina. Emmanuel Macron, le président de la République, n'est pas obligé de démissionner parce qu'il y a un article 49 alinéa 3 qui oblige le Premier ministre à démissionner. Le président de la République n'est pas du tout en cause. C'est comme ça qu'est faite notre Constitution. D'ailleurs, s'il devait décider de démissionner, ça serait complètement personnel au moment où il aurait décidé de mettre fin à son mandat parce qu'il n'y arrive plus. Mais ça, ça n'est jamais une obligation".

Un seul président a démissionné sous la Ve République : le Général de Gaulle, le 28 avril 1969. Il avait pris cette décision après avoir perdu un référendum sur une réforme constitutionnelle.

En cas de démission, le président du Sénat assure l'intérim

Clara : "Quelles seraient les possibles conséquences en France, si Emmanuel Macron décidait de démissionner avant la fin de son mandat en 2027 ?"

"Il y a l'article 7 de notre Constitution, précise Anne-Charlène Bezzina, qui nous dit quoi faire s'il y a vacance de la présidence de la République. C’est-à-dire que plus personne n'occupe le siège du président. Et dans ce cadre-là, l'article 7 nous dit eh bien c'est le président du Sénat qui assure les affaires courantes, qui gère l'intérim, nous dit-on, et on doit procéder à une nouvelle élection présidentielle entre 20 et 35 jours".

Emmanuel Macron pourrait-il être candidat ? Non, cette fois c'est l'article 6 de la Constitution qui s'applique et qui dit que "Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs". Rien ne lui interdit en revanche, de briguer un troisième mandat en 2032.

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