Eric Zemmour et droit de "défense excusable" : à quoi ressemble la légitime défense déjà prévue par le code pénal ?
Le candidat à la présidentielle du parti Reconquête ! dit vouloir créer un "droit de défense excusable" pour que des personnes agressées puissent avoir "enfin le droit de riposter aux voyous". La légitime défense prévue par le droit français prévoit déjà qu'une personne puisse se défendre, mais dans un cadre très précis.
"J'introduirai dans notre droit la notion de défense excusable", a lancé Eric Zemmour lors de son meeting à Cannes, samedi 22 janvier. "Avec cette protection juridique, les commerçants, les braqués, les citoyens cambriolés et les policiers en danger, auront enfin le droit de riposter aux voyous", a argumenté le candidat à la présidentielle 2022. Cette proposition a rapidement fait polémique, certains accusant Eric Zemmour de vouloir faire de la France un "Far West" en délivrant aux Français "un permis de tuer".
Éric Zemmour veut une «défense excusable» pour riposter contre «les voyous».https://t.co/gYRedxaTJC pic.twitter.com/QFPDHoq6Tz
— Le Figaro (@Le_Figaro) January 23, 2022
Tel que présentée lors de son meeting, la proposition d'Eric Zemmour restait assez floue, mais le candidat a apporté des précisions par la suite. Interrogé mercredi 26 janvier sur Public Sénat, il explique qu'il souhaite supprimer la notion de proportionnalité prévue par la loi sur la légitime défense. Eric Zemmour a expliqué vouloir ainsi s'inspirer d'une "notion du droit suisse".
[Défense excusable] Les voyous doivent prendre leur risque : s’ils attaquent, c’est à eux d’avoir peur, plus aux policiers et aux citoyens.#BonjourChezVouspic.twitter.com/XkAodMZ8Jl
— Eric Zemmour (@ZemmourEric) January 26, 2022
Un droit à la légitime défense déjà prévu par la loi et très encadré
Les propos d'Eric Zemmour pourraient laisser penser qu'une personne agressée n'a aujourd'hui pas le droit de se défendre face à une agression. C'est faux. L'article 122-5 du code pénal, dispose notamment que "n'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui". Cet article et ceux qui le suivent dans le code pénal apportent toutefois des conditions précises pour que la légitime défense soit invoquée. Concernant l'agression d'abord, il faut qu'elle soit "injuste, réelle et actuelle". La riposte, quant à elle, doit être "simultanée, nécessaire, volontaire et proportionnelle". En clair, on ne peut pas tirer avec une arme à feu sur quelqu'un qui nous met un coup de poing. Mais c'est précisément ce dernier point qu'Eric Zemmour souhaite faire disparaitre en expliquant s'inspirer du modèle suisse.
En Suisse, la légitime défense est aussi encadrée puisqu'une personne agressée a le droit de se défendre mais "par des moyens proportionnés aux circonstances". Toutefois, le droit helvétique introduit deux subtilités. L'article 16 dispose que "si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15, le juge atténue la peine". D'autre part, "si cet excès provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable". En clair, le droit suisse prend en compte l'émotion ressentie par celui qui a riposté à une attaque. C'est effectivement ce qu'il appelle la "défense excusable".
Des "circonstances atténuantes" déjà prises en compte
Mais cela ne signifie pas que les juges français ne prennent jamais ce critère en compte. Une affaire jugée en 2018 illustre bien la capacité d'appréciation laissée aux magistrats. Un bijoutier poursuivi pour homicide volontaire après avoir tiré une balle dans le dos de l'un de ses braqueurs n'a été condamné qu'à cinq ans de prison avec sursis. La justice a écarté la légitime défense tout en reconnaissant que le vol avec arme dont venait d'être victime l'accusé constituait "une circonstance atténuante".
A noter qu'Eric Zemmour n'est pas le premier à proposer l'introduction d'une "défense excusable" dans le droit français. Plusieurs tentatives parlementaires étaient déjà allées dans ce sens en 2018 et 2019 mais n'avaient pas abouti.
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