Quand la complosphère s'empare du retrait de Joe Biden

Plusieurs publications sur les réseaux sociaux en France comme aux États-Unis estiment que Joe Biden était la "marionnette" du "Système". Une accusation bien connue de la complosphère.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le multimilliardaire hongro-américain George Soros, sujet favori de la complosphère (juin 2017). (CLEMENS BILAN / EPA / VIA MAXPPP)

"Qui a vraiment débranché Joe Biden ?" La question est lancée par Florian Philippot sur le réseau social X. Juste après l'annonce du retrait du président sortant américain de la course pour l'investiture démocrate en vue de l'élection présidentielle américaine à l'automne, le président du mouvement politique Les Patriotes a estimé dimanche 21 juillet dans un autre message que cela "[prouvait] simplement qu’il [n'avait] jamais gouverné depuis 2020, qu’un Système l’avait placé là. Comme une marionnette".

Une "marionnette" du "Système"

Ce n'est pas la première fois que Joe Biden est qualifié de "marionnette". C'était déjà le cas lors de la précédente campagne présidentielle américaine, l'accusation venant principalement de l'extrême droite. Donald Trump lui-même avait employé l'expression pour qualifier son adversaire en septembre 2020. Il avait estimé que celui qui allait être élu président des États-Unis était la "marionnette de la gauche radicale".

Pour appuyer son propos, Florian Philippot a cité Elon Musk, qui s'affranchit pourtant souvent de la vérité. Le patron du réseau social X a assuré que le jour et l'heure exacte de l'annonce du retrait de Joe Biden étaient prévus à l'avance. "Les vrais pouvoirs en place ont débranché la vieille marionnette en faveur d'une autre qui a de meilleures chances de tromper le public", a-t-il écrit. Les mots et les expressions utilisés font référence à un imaginaire précis de la complosphère.

La famille Soros et l'élite qui voudrait gouverner le monde

Une autre publication d'Elon Musk donne une clé de compréhension. Le créateur de Tesla a publié un commentaire sous des photos d'Alexander Soros avec Kamala Harris, qui remplace Joe Biden dans la course pour l'investiture démocrate. Il a souhaité "remercier Alexander Soros de ne pas avoir fait durer le suspense sur qui serait la prochaine marionnette"

Alexander Soros est le fils de George Soros. Il a pris la succession de son père dans la gestion de l'empire familiale. Ce sont des multimilliardaires hongro-américains, philanthropes, qui investissent des milliards de dollars pour promouvoir la démocratie et défendre les droits de l'homme, notamment en soutenant des associations venant en aide aux migrants et aux personnes LGBT. Ils aident aussi financièrement les démocrates américains.

À ce titre, les Soros sont les ennemis absolus de tous les nationalistes, de toutes les droites américaines, comme l'analysaient Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, enseignant dans le domaine du numérique qui participe à l'Observatoire du conspirationnisme, sur France Inter il y a six ans déjà.

Les Soros sont accusés de tous les maux, dans la complosphère. Ils sont souvent désignés comme les représentants d'une élite non-élue qui voudrait gouverner et imposer son "nouvel ordre mondial". Les Soros sont aussi soupçonnés de vouloir imposer leur contrôle en Europe. D'abord en Hongrie, où est né George Soros en 1930 avant d'émigrer aux États-Unis où il a fait fortune. George Soros a financé de nombreuses associations de défense des droits de l'homme en Hongrie, devenant ainsi l'ennemi numéro un du Premier ministre hongrois Victor Orban.

>> Lire aussi : "Il est la bête noire de l'extrême droite et des complotistes : qui est le milliardaire George Soros ?"

Accusation qui est arrivée en France, dans une sorte de mondialisation du conspirationnisme. Valeurs actuelles a déjà fait sa Une sur "le milliardaire qui complote contre la France". Le média d'extrême-droite estime que George Soros est "le financier mondial de l'immigration et de l'islamisme".

Coupable idéal de la théorie d'un "complot Juif"

En toile de fond des théories conspirationnistes qui visent la famille Soros, demeure surtout beaucoup d'antisémitisme. George Soros est juif et ne s'en cache pas, et il est richissime. Il est le coupable idéal des partisans de la théorie très ancienne d'un complot juif pour gouvernement le monde. Dans la complosphère, George Soros a parfois été surnommé "l'antéchrist", un homme "satanique", comme le note Conspiracy Watch. Étonnamment, d'autres l'accusent d'avoir collaboré avec les nazis, alors qu'il n'avait que 13 ans lorsque l'Allemagne nazie a envahi la Hongrie.

La diabolisation de George Soros aurait pu avoir de terribles conséquences en octobre 2018. Un engin explosif a été retrouvé dans la boîte aux lettres du milliardaire. Les démineurs avaient dû intervenir.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.