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Les infox de l'Histoire : "Marie-Antoinette, la reine la plus calomniée de France"

Depuis son arrivée à Versailles jusqu'à sa mort sous la guillotine, Marie-Antoinette a été la cible de rumeurs et de pamphlets orduriers qui ont fait d'elle la femme la plus détestée de France. Avec l'historienne Evelyne Lever.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Portrait de Marie-Antoinette exposé à la Conciergerie de l'ancienne cour de justice à Paris, France, le 28 novembre 2019. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / MAXPPP)

Le 16 octobre 1793, tout le long de la rue Saint-Honoré et sur la place de la Révolution, aujourd'hui place de la Concorde, des milliers de Parisiens attendent depuis le matin de voir passer la charrette qui doit conduire Marie Antoinette à la guillotine. Ils sont là depuis des heures. En attendant, ils bavardent, ils boivent, ils chantent, achètent et regardent les dernières caricatures obscènes de celle qui fut leur reine et lisent les derniers pamphlets orduriers qui, pendant quinze ans, ont fait de Marie Antoinette la reine la plus calomnié de France.

Patrice Gélinet : Marie-Antoinette a été sans doute, vous le dites, la reine la plus détestée de l'histoire de France ?

Evelyne Lever : Absolument. Il y en a eu d'autres qui ont été détestées. Avant elle, il y a eu Catherine de Médicis, Marie de Médicis ensuite, et puis Anne d'Autriche et elle ont été elles mêmes victimes de pamphlets. Mais là, il y a une violence qu'il n'y a pas eu auparavant puisqu'on est passé à l'acte n'est ce pas, puisque Marie-Antoinette a fini sous le couteau de la guillotine.

Et détestée, pour plusieurs raisons que vous rappelez dans vos livres à commencer peut-être par son mariage en 1770, avec le futur Louis XVI qui n'était pas encore roi. Un mariage politique, comme l'étaient d'ailleurs à l'époque presque tous les mariages princiers ?

Oui, et il s'agissait du renversement des alliances. Il s'agissait de l'alliance de la France avec l'Autriche. Or, l'Autriche était l'ennemi héréditaire. Et alors là, c'était un changement total de politique internationale. Et Marie-Antoinette doit être le gage de cette alliance en France. Alors elle est accueillie à la cour avec beaucoup de bienveillance par le roi Louis XV qui la trouve charmante. C'est la petite dauphine parfaite qu'il pouvait souhaiter. Son fiancé, le futur Louis XVI, est un garçon assez inhibé. C'est un garçon qui n'a pas beaucoup de charme et qui a en tête, disons, les messages que lui ont laissé ses parents qui étaient hostiles à cette alliance. Donc, on met ses deux enfants qui ont quatorze et quinze ans dans le même lit le soir de leurs noces. Ils ne se connaissent pas. Et pour le futur Louis XVI, elle représente l'alliance honnie et il n'a pas d'attirance pour les femmes. Et elle n'a pas d'attirance pour ce garçon, si bien que pendant sept ans, ce mariage ne sera pas consommé et il y aura une entente amicale qui va s'établir entre les deux jeunes gens, mais rien de plus. C'est une situation qui énerve la cour. Ils sont perpétuellement observés. On soudoie les femmes de chambre pour savoir si oui ou non il se passe quelque chose dans le lit conjugal. Et là, ça fait évidemment beaucoup, beaucoup parler à la cour et hors de la cour.

Les premiers pamphlets contre Marie-Antoinette ne commencent à circuler qu'à partir de 1774, lorsqu'à la mort de Louis XV, Louis XVI devient roi et qu'elle devient reine et commence à se propager donc les rumeurs. Comme chacun sait que le mariage de Marie-Antoinette n'est toujours pas consommé, des caricatures obscènes commencent à circuler, montrant Marie-Antoinette trompant Louis XVI avec un de ses cousins, le duc de Chartres. En fait, c'est de la cour que viennent en fait les premières calomnies.

Oui, bien entendu. Et ça et ça, c'est évident. Pourquoi ? Parce que vous avez un jeune couple qui est à la tête de l'Etat. Vous avez un roi qui a 20 ans, une reine qui a 19 ans et il n'y a au dessus d'eux aucune puissance tutélaire. Le roi demande à son épouse de s'occuper de tous les plaisirs de la cour et Marie-Antoinette est une jeune personne qui veut s'amuser, qui veut s'entourer d'amis de son âge et qui traite avec une certaine désinvolture et bien les vieilles duchesses, toutes les personnalités qu'elle aurait dû traiter avec beaucoup de respect qui négligent l'étiquette. Elle prend des libertés avec l'étiquette et elle veut. Elle revendique pour elle le droit de mener une vie privée. Le roi lui a donné le Petit Trianon pour en faire en quelque sorte sa demeure personnelle. Et Marie-Antoinette veut aller au Petit Trianon avec ses propres amis et va négliger, négligé ses devoirs de représentation.

De ce fait, on commence à être mécontents et le mécontentement commence dans la famille royale. Les tantes du roi s'offusquent des libertés qu'elle prend. Le frère du roi, le comte de Provence, le frère cadet, s'insurgent contre tant de liberté. Et puis Marie-Antoinette prend beaucoup de libertés avec son plus jeune beau frère, qui est le comte d'Artois - c'est le futur Charles, dit le comte d'Artois - et ils s'amusent beaucoup ensemble, partent en calèche, et le comte d'Artois est un garçon extrêmement déluré. Et là, on a un des premiers pamphlets qui va fustiger Marie-Antoinette. Ce sont les amours de Charlot et de Toinette, et bien la rate. De cette sorte, on commence à avoir des textes qui sont très bien écrits au début, des textes très bien écrits qui attaquent directement la vertu de la jeune reine. Ainsi, il y a des textes qui sont déjà obscènes, alors je pense à l'un d'entre eux où il est dit ceci : "Quel étrange discours ! Mon âme en est ému. Quoi ? Vous craignez, Madame ? Et n'êtes point foutus."

Avec "Les infox de l’Histoire", la deuxième saison du podcast de la Fondation Descartes en partenariat avec franceinfo, voyagez à travers les époques au cœur des grands épisodes de désinformation. Patrice Gélinet et ses invités exposent et analysent les infox qui ont défrayé la chronique de l’antiquité à nos jours. Complotisme, désinformation, rumeurs, calomnies, emballements médiatiques… Une saison 2 de 8 épisodes pour décrypter les mensonges de l’Histoire.

Producteur : Patrice Gélinet
Réalisatrice : Vanessa Nadjar
Documentaliste/Attachée de production : Juliette Marcaillou
Techniciens : Stéphane Thouvenin

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