"L'impossible retour" de Nathalie Hadj
L'impossible retour de Nathalie Hadj, est paru aux éditions Mercure de France. Il s'agit d'un premier roman autobiographique, ou presque, dans lequel la narratrice Nathalie Hadj, raconte ses rapports avec son père. Alors qu’il vient de mourir subitement, elle cherche à reconstruire l’histoire familiale.
1956, en pleine guerre d’Algérie
Karim Kasidi, témoin de la mort de son meilleur ami, quitte les siens et son village des montagnes de Tizi Ouzou. Il traverse la Méditerranée pour aller à Marseille et, de là, rejoindre Paris, où il est embauché dans un atelier de confection. Il y fera la rencontre de sa future femme, Anna, elle-même ayant fui l’Espagne de Franco, au début des années 1960.
De leur union naissent Margaux, la narratrice, et son frère Thomas. Très vite, la famille s’installe dans un appartement qui est aussi la loge de l’immeuble du XIe arrondissement de Paris, dans lequel ils habitent. Au quotidien des Kasidi, se mêle la vie de l’immeuble avec le passage des uns et des autres, certains habitants se confiant, parfois même s’épanchant sur l’oreille attentive d’Anna devenue gardienne.
Ils viennent "déposer leurs maux chez la concierge comme on y laisse ses clés". Monsieur et Madame Vendôme, rentrés d'Algérie, Madame Martin, marquée par la Seconde Guerre mondiale et qui encouragera d'ailleurs à écrire la jeune Margaux.
Jamais loin des confidences, et même si elle ne comprend pas tout, la petite fille parvient toujours à voler des bribes de conversations. Sans doute son goût de vouloir percer les secrets, d’être dans l’intime, et finalement d’écrire, lui viendra de cette enfance au cœur de la vie des autres, des drames des autres.
Mais plus que tout c’est justement le silence qui entoure son père qui l’a marquée à jamais : "Mon père c'est le silence, un silence lointain, épais", dit-elle. L'un des amis de son père lui donne justement à elle les clés de ce silence. Il y a enfin des "mots sur des maux" : il lui parle de guerre, de détention, de torture et de cette date sanglante, le 17 octobre 1961. "Nous nous sommes tous tus par générosité, pour ne pas transmettre la douleur, mais nous sommes devenus les fantômes de nos propres vies."
"Je croyais vraiment avoir beaucoup de temps devant moi, et je me disais qu'il baisserait la garde aussi, et que ce serait plus facile de l'interroger. Et ça ne s'est pas passé comme ça, il a disparu de façon soudaine, violente, et je n'ai pas pu rattraper ses mots, ni ses silences."
Nathalie Hadjà franceinfo
Avec ces révélations pointe le regret qu’elle éprouve de "ne pas lui avoir dit qu’elle voulait l'écouter". Un regret qu’elle parvient aujourd’hui à transformer en force. Celle de l’écriture. L’autrice le dit, elle ne dispose que de morceaux de leur histoire : "Raconter mes parents, c’est m’essayer à l’art du Kintsugi, cette tradition japonaise qui consiste à restaurer des pots cassés, à l’aide de la pâte d’or, en faisant en sorte que la réparation soit plus belle que l’originale… Il faut que je transforme leur vie en mots".
"Ils ont eu tous les deux des parcours cabossés. C'étaient des personnes qui avaient beaucoup souffert. Leur vie n'a pas été facile. Donc l'écriture m'a permis de leur redonner à tous les deux une sorte de beauté dans leur histoire et dans la fiction… puisque je n'ai pas pu avoir la clé de tous ces silences que mon père a eus."
Nathalie Hadjà franceinfo
Oser questionner nos proches sur leurs vies, oser parfois casser un silence qui pourrait s’apparenter à de la dureté, mais qui est en fait un silence courageux, pudique, plein d’amour. Nathalie Hadj nous rappelle cette possibilité précieuse à chacun, et à ceux qui le peuvent encore. Il y a décidément beaucoup d'amour, sensibilité, de dignité dans cette quête d’identité de ce premier roman.
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Et Nathalie Hadj nous rappelle à travers l’histoire de ce couple d'exilés, discret et secret sur son passé, la nécessité de parler de cette époque traumatisante pour tous :
"On n'est rien sans mémoire, On ne peut pas savoir où on va, si on ne sait pas d'où on vient. Et moi, il m'a semblé que parler de cette guerre, c'est aussi comprendre, et les mots et les failles, de certaines personnes qui ont vécu cette période douloureuse."
Nathalie Hadjà franceinfo
Nathalie Hadj
Nathalie Hadj est Consule honoraire de France à Malaga et L'impossible retour est son premier roman.
L’intégralité de l'entretien avec Nathalie Hadj (13mn) est à retrouver en haut de cette page Livres et jeunesse.
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