La Bosnie-Herzégovine sous tension

La Bosnie-Herzégovine a obtenu en décembre dernier le statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Mais la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, s'est une nouvelle fois prononcée en disant que la Bosnie-Herzégovine privilégiait des groupes ethniques, et que les élections y sont antidémocratiques.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Pour la Cour européenne des droits de l'homme, le système électoral ne représente pas correctement les citoyens de la Bosnie-Herzégovine. (MARIANO SAYNO / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Aline Cateux est  anthropologue et correspondante du quotidien "Le Soir", à Sarajevo, elle est l'invitée de Micro européen

La Bosnie-Herzégovine, c'est un pays avec trois peuples. Ensemble, on les appelle les Bosniens, mais il y a trois peuples les Bosniaques – musulmans – les Croates, les Serbes – catholiques et orthodoxes. Seuls, ces trois peuples peuvent être représentés dans la chambre haute, et le pays est composé en deux territoires, celui des Bosniaques et des Croates, et celui des Serbes, la Republika Srpska, et les trois ethnies, ont chacun leur président, on appelle ça une présidence tripartite.

La Bosnie-Herzégovine a obtenu en décembre dernier le statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Seulement voilà, un Bosnien a porté l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Il s'appelle Slaven Kovačević, parce qu'il ne se sent pas représenté.

franceinfo : La Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg s'est prononcée en disant que la Bosnie-Herzégovine privilégiait des groupes ethniques, et que les élections en Bosnie-Herzégovine sont antidémocratiques ? 

Aline Cateux : C'est la sixième fois que la Cour européenne des droits de l'homme condamne la Bosnie-Herzégovine, soit parce que sa constitution est considérée comme discriminatoire – la Constitution directement issue des accords de Dayton – soit pour le fait que les droits des minorités sont bafoués, comme par exemple parce qu'ils sont juifs et ils sont roms.  Donc, ils ne peuvent pas accéder aux fonctions de la Chambre des peuples et de la présidence du pays, puisqu'ils n'en ont pas le droit selon la Constitution. Seuls les trois peuples constitutifs peuvent y prétendre.   

franceinfo : On le rappelle, les accords de Dayton datent de 1995, et depuis, la Bosnie-Herzégovine a un haut représentant international qui est en charge des accords de Dayton.  

Oui, c'est tout à fait ça.   

Donc la Bosnie Herzégovine est secouée parce qu'elle avait obtenu un statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne en décembre dernier, c'est une autre institution européenne qui botte en touche.    

Oui, la CEDH a raison. Concrètement, la Bosnie-Herzégovine n'a fait absolument aucun progrès pour obtenir ce statut de candidat.   

Aujourd'hui, après cette décision de la Cour européenne, comment l'Europe réagit-elle ? Comment la communauté internationale réagit-elle ?    

La communauté internationale essaye absolument de discréditer et d'étouffer en fait la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans le cas Kovačević, en disant que, ce qui primait, c'était quand même la fonctionnalité de l'Etat, qu'on faisait un peu des progrès dans ce statut de candidat, pour remplir les conditions imposées par l'Union européenne. 

Donc finalement, cette affaire de la Cour européenne des droits de l'homme est elle-même enterrée par la représentation européenne ici, qui a réagi de façon extrêmement froide, en fait, à cette décision, qui n'est pas la dernière. Et les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont évidemment emboîté le pas de la délégation européenne pour dire que oui, bon, les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, c'était bien beau, mais que sur le terrain, ça pouvait également se passer différemment.   

Comment vit-on cela dans toute la Bosnie-Herzégovine ?  

Par rapport au cas Kovačević , ça a fait quand même beaucoup parler, étant donné que cela vient s'ajouter au fait que l'on sait que les élections sont manipulées. On sait que la commission électorale est aux mains des partis politiques, et qu'il y a un certain nombre de fraudes qui auraient été passées sous silence.

Donc, le fait de voir reconnu par une institution aussi importante et aussi prestigieuse que l a en quelque sorte fait comprendre que les gens ont été entendus, aussi, dans leur demande de plus d'égalité.

En réalité, les Bosniens commencent à prendre conscience que leurs intérêts sont tous les mêmes, à savoir pouvoir éduquer leurs enfants, se soigner normalement, avoir un accès à un emploi sans avoir besoin d'appartenir à un parti politique ou d'appartenir à un groupe ethnique…   

Entre la décision de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, les réactions de la communauté internationale et de l'Union européenne, les Bosniens dans tout ça ?  

Les Bosniens ne se font pas tellement d'illusions. Je pense que ça fait quand même un moment qu'ils ne comptent plus ni sur l'Union européenne, ni sur leurs dirigeants, ni sur les ambassades pour régler leurs affaires et obtenir leurs droits. Je pense que si les gens sont reconnaissants à la Cour européenne des droits de l'homme d'avoir reconnu en fait le régime discriminatoire et non-démocratique des élections, je pense que les Bosniens sont absolument conscients que cette décision de la CEDH n'aura absolument aucune conséquence ici, et qu'elle ne sera pas mise en application, comme toutes les autres décisions de la CEDH précédemment.   

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.