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Emprunt immobilier et perte du triple A

Certains parlent d'une hausse importante des taux d'intérêts d'ici le mois de juin. D'autres sont plus modérés. Le gouvernement planche sur de nouvelles "initiatives" et un "changement du modèle économique du logement"...
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
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C'est Benoit Apparu, secrétaire d’État au logement qui parle. Mais la perte du triple A bouscule la France et on s'interroge. Quelles conséquences cette dégradation de la note attribuée par l'agence Standard & Poor's va-t-elle avoir sur le marché immobilier ?

Si on ne peut pas exactement prévoir ce qui va se passer dans les mois à venir, on peut toutefois imaginer un certain nombre d'hypothèses. Hypothèses que l'on détaille aujourd'hui avec Maïlys Honoré, journaliste dans le groupe De Particulier à Particulier .

Doit-on s’inquiéter ?

A l'heure
d'aujourd'hui, on sait une chose : que la perte du triple A pour la France
aura des répercussions. Mais on ne sait pas dans quelle mesure. Ni quand.
Depuis ce week end, on entend beaucoup de choses, souvent contradictoires.
Mais pour se faire une idée un plus précise, il va falloir attendre février. En
attendant, on peut essayer de comprendre ce qui a déjà changé. Réfléchir à
comment anticiper une future hausse des taux d'intérêts.

Hausse des
taux d'intérêts qui a déjà commencée par anticipation à cette perte du triple
A...

C'est vrai. Cela
fait déjà quatre mois que les taux sont repartis à la hausse. Mais il s'agit
d'une hausse légère, modérée. Les banques ont effectivement, un peu, relevé
leurs taux en anticipant le déclassement de la France. Il faut quand même
rappeler que la perte du triple A n'est une surprise pour personne et que les
banques ont eu le temps de s'y préparer.

**Certains

spécialistes parlent d'une augmentation de 50 points de base.**

Ce qui
concrètement veut dire que le taux moyen tournera autour de 4,70% au lieu des
4,20% actuels. Si c'était le cas, cela se traduirait de la manière
suivante : prenons, par exemple, un couple qui payerait, aujourd'hui, 1
000 € par mois de remboursement, pour un prêt d'un peu plus de 162 000 €, sur
20 ans. Avec l'augmentation annoncée, ce même couple payerait dans quelques
mois 43 € de plus par mois pour le même emprunt. Si les taux augmentent
d'autant... Car d'autres spécialistes prétendent qu'il n'y aura pas d'effet
immédiat sur le niveau des taux d'intérêts des crédits immobiliers.

**Alors comment

savoir qui a raison et à quoi s'attendre ?**

A l'heure
d'aujourd'hui, on ne sait pas. Ce qu'on sait c'est que cette perte du triple A
va conduire l’État a emprunter plus cher, ce qui signifie que les banques vont
se financer également à des taux d'intérêts plus élevés et que par ricochet,
ces mêmes banques prêteront plus cher aux particuliers. La grande interrogation
c'est : de combien ?! Et bien tout dépend de la suite. La perte du
triple A n'a été décidée que par une agence de notation. On attend le verdict
de Moody's, l'autre grande agence de notation financière. Une forte dégradation
de la note de la France pourrait précipiter les choses. Aujourd'hui, la France
emprunte à 3%. La perte du triple A pourrait conduire à une augmentation de ce
taux : 3,5 à 4%. En comparaison, nos voisins Allemands, bons élèves et
bien notés, empruntent à 2%. Italiens et Espagnols à plus de 7% ! Preuve
que cette notation par les agences financières a un réel impact. Et puis, il y
a encore une grande inconnue : le résultat de l'élection
présidentielle.

Quelle influence sur les taux d'intérêts ?

Pourquoi la
France a perdu son triple A ? Pour sa mauvaise gestion de la dette
publique du pays. Élections, nouveau gouvernement, nouvelle politique de
réduction des dépenses publiques. Reste à savoir qui sera à l’Élysée au mois
de mai et quelles seront les mesures mises en place. Tout le monde sait qu'il y a,
aujourd'hui, un réel problème, mais encore faut-il trouver la juste solution.
Le gouvernement actuel en a conscience puisque le secrétaire d’État au
Logement, Benoit Apparu, a expliqué en début de semaine qu'il réfléchissait à "changer le modèle économique du logement" et que de nouvelles
initiatives devraient être annoncées prochainement... A suivre.

**Que

peuvent faire les nouveaux acquéreurs pour anticiper une éventuelle hausse des taux
d'intérêts ?**

D'abord, ceux
qui ont une offre de crédit en mains... Signez ! Car les choses ne vont
quand même pas aller en s'arrangeant, donc rien ne sert d'attendre. Pour les
autres, la hausse des taux d'intérêts va conduire à trois comportements
possibles. L'acquéreur peut allonger la durée de son prêt pour compenser sa
perte de pouvoir d'achat. Il peut se résoudre à acheter plus petit afin de
conserver l'adresse qu'il a choisi. Ou il peut se résoudre à s'éloigner là où
les prix des logements sont plus bas. Ces trois comportements peuvent permettre
de réaliser l'achat d'un logement en compensant la hausse des taux d'intérêts,
et par ricochet la diminution de son budget.

**Solutions qui

ne doivent pas être du goût de tout le monde ! Peut-on envisager autre
chose ?**

Il existe
aujourd'hui des crédits immobiliers qui, par leur mécanisme particulier,
affectent moins le pouvoir d'achat des acheteurs en cas de remontée des taux
d'intérêts. Ce sont les crédits à taux variables que l'on connait bien, et les
crédits mixtes dont on parle beaucoup ces derniers temps. A envisager avec
précautions.

Si vous avez un bon dossier, mieux vaut prendre
le temps de faire le tour des établissements avant de prendre une décision

**Crédit mixte,

de quoi s'agit-il ?**

Les crédits
mixtes, comme leur nom l'indique, mixent un taux fixe et un taux variable, afin
de profiter de la sécurité des emprunts à taux fixe et du tarif attractif des
prêts à taux révisable. Concrètement, le taux est fixe en début de
remboursement. Puis devient révisable au bout de quelques années (entre sept et
dix ans). Comme le crédit consenti à taux fixe l'est sur une période
relativement courte, le taux est plus bas que pour un prêt classique sur le
long terme. Les modalités de remboursement sont sans surprise, taux et
mensualités sont connus à l'avance. Ensuite, s'effectue le passage à un taux
variable. Taux variable capé ! C'est-à-dire pourvus de butoirs à la hausse
(il ne dépassera pas un seuil fixé au préalable). Au moment de ce passage à
taux variable, soit le marché vous est favorable et tant mieux. Soit il vous
est défavorable et vous avez deux options : allonger votre durée de
remboursement, ou augmenter votre mensualité.

**Et

qu'appelle-t-on crédit transférable ?**

Le transfert de
crédit est une pratique courante outre-Atlantique, mais reste rare en France.
Dans la majorité des cas, un propriétaire qui vend son appartement afin
d'acquérir un autre bien immobilier solde le crédit qu'il a obtenu pour
financer sa première acquisition, et contracte un nouvel emprunt, soumis aux
taux d'intérêts pratiqués aujourd'hui, pour acheter la seconde. Dans le cas
d'un transfert de crédit, tout l'intérêt est de conserver le taux d'intérêt
acquis il y a plusieurs années, à un moment où le marché était plus favorable
qu'à l'heure actuelle. Avant tout, vérifiez que votre contrat prévoit
explicitement cette possibilité de transfert. Si c'est le cas, votre banque
peut accepter. Sachez que la plupart du temps, elle vous demandera de produire,
en même temps, le compromis de vente de votre logement actuel, ainsi que le
compromis d'achat de votre nouvelle résidence. Pour que le crédit soit
transférable, le montant de votre acquisition doit être au moins égal au
capital restant dû de votre prêt initial.

**Un dernier

conseil pour la route ?**

Faites attention
à votre dossier. Les banques se montrent plus vigilantes, voire
frileuses ! Elles resserrent donc les conditions d’octroi de leurs crédits
immobiliers. Tendance qui court déjà depuis plusieurs mois ! Et n'hésitez
pas à comparer. Certaines banques sont moins exposées que d'autres, (celles
engagées en Italie par exemple), et elles pourraient conserver des taux
d'intérêts plus stables. Si vous avez un bon dossier, mieux vaut donc prendre
le temps de faire le tour des établissements avant de prendre une décision.
Vous subirez peut être, un peu moins, la hausse des taux d'intérêts qu'en
acceptant la première offre que l'on vous fait.

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