Le futur père à portée de clic
L'objectif de ces sites n'est pas de trouver l'âme sœur,
avec qui on pourrait ensuite envisager de construire une famille, mais bien de
bâtir un projet parental et exclusivement parental. Sur ce genre de sites, il y
avait au départ une majorité d'homosexuels, qui cherchaient à être mis en
relation avec des personnes du sexe opposé, afin de concevoir des enfants et
puis de les élever ensuite, en s'en partageant éventuellement la garde. Mais
depuis quelques années, avec le site coparent.fr, qui est aujourd'hui leader en
France, il y a de plus en plus d'hétérosexuels qui sont tentés par la formule.
Ce sont donc des hommes et des femmes, qui ont un vrai désir de parentalité et
qui se disent : je vrais trouver quelqu'un dans la même situation que moi,
on va concevoir l'enfant – naturellement ou par un don de sperme – et ensuite
on va l'élever et l'éduquer à deux, mais sans vivre sous le même toit puisqu'il
n'est pas ici question de devenir un couple si ce n'est un couple de parents.
Concrètement, une
coparentalité est une démarche assez particulière. Les aspirants co-parents
commencent généralement par se rencontrer dans un café, ils expliquent pourquoi
ils n'ont pas eu d'enfant jusque-là, pourquoi ils en veulent un maintenant et
comment ils imaginent l'éduquer. Il y a une des jeunes femmes que j'ai
interviewée pour réaliser ce papier qui me disait en riant : "Tu
te retrouves face à un inconnu, à la table d'un café, à parler pension
alimentaire, lieu de résidence de l'enfant, valeurs éducatives à transmettre... tout
ça pour un gamin qui n'existe même pas puisque le but du jeu et de cette
rencontre est justement de voir si cela serait viable de se lancer dans
l'aventure avec ce futur père... père que tu connais à peine." Si on
veut résumer la démarche, la coparentalité cela commence comme un divorce. Sauf
que dans un divorce, il y un couple de parents pré-existants qui se connaissent
bien et qui a priori se sont aimés un jour. Alors que là, les notions de
parentalité et de conjugalité sont complètement dissociées. Le lien entre les
deux coparents, ce n'est pas l'amour qu'ils se portent mutuellement...mais
l'enfant qu'ils vont aimer, chacun de leur côté.
Cette démarche peut
paraître complètement dingue, mais la coparentalité a déjà fait ses preuves. On
a tous autour de nous des exemples, notamment dans la communauté homosexuelle,
de couples de femmes ou d'hommes, qui se sont mis d'accord avec un célibataire
du sexe opposé, voire un couple du sexe opposé, pour concevoir un enfant et ensuite l'élever
plus ou moins conjointement. Mais ce n'est pas parce que c'est possible que
c'est facile. Alexandre Urwicz, président de l'association des familles
homoparentales, tient d'ailleurs à mettre en garde ceux qui seraient tentés de
se lancer dans l'aventure à la légère, en leur rappelant qu'être co-parent,
c'est comme être parent, cela dure toute une vie. Il conseille donc à tous les
aspirants co-parents de se parler, pendant des mois, voire des années, avant de
passer à l'acte. Et surtout de se poser toutes les questions imaginables par
rapport au futur de l'enfant comme : qui payera les couches ? Que se passera
–t-il si un des coparents s'installe à Sidney ? Est-ce qu'on le fera baptiser ?
Et si tu rencontres quelqu'un quand le petit ou la petite a deux ans...que se
passera-t-il pour l'enfant ? Il y a
beaucoup de jeunes femmes qui s'imaginent que faire un enfant avec un homme
avec qui elles ne seront pas en lien amoureux leur facilitera les choses et
leur évitera bien des disputes, mais elles oublient que l'éducation est une
source de conflits absolument inépuisable entre les parents, que ces parents soient amoureux ou pas.
Quel impact a la
co-parentalité sur les enfants conçus et élevés dans ce cadre ?
Une fois n'est pas coutume, les psys, qui se sont penchés
sur la question, ne sont pas forcément du même avis. Certains estiment que
c'est trop de poids sur les épaules d'un enfant et qu'il n'a pas être le seul point
commun et surtout le seul responsable du lien entre ses parents. D'autres au
contraire pensent qu'il est préférable pour un enfant d'être élevé par 2
parents – même s'ils ne vivent pas sous le même toit – que par une mère
célibataire, et que la formule a au moins l'avantage d'offrir à l'enfant ce
qu'on appelle, en langage psy, un tiers séparateur : c'est-à-dire une
personne, à laquelle on va pouvoir s'opposer ou s'identifier pendant l'Œdipe,
et qui permet d'échapper au risque de fusion susceptible de se développer dans
le couple mère-enfant. Ce qui est certain c'est que la co-parentalité n'est pas
arrivée par hasard dans notre société. Avec la contraception, on a appris à
aimer sans enfanter. Avec le divorce, on a découvert qu'on pouvait rester
parent, même en étant plus en couple. Et la procréation médicalement assistée a
fait le reste. On se rend donc bien compte que ce qui était intimement lié
auparavant, à savoir l'amour, la cohabitation et la filiation n'est plus
forcément imbriqué. Et que les français sont de plus en plus créatifs dans leur
façon d'inventer de nouveaux schémas familiaux. Mais aborder la coparentalité,
c'est aussi aborder la question du droit à l'enfant. Et se demander notamment
si on a le droit de se "partager" un enfant quand on ne peut pas
faire autrement ?
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