Cet article date de plus de douze ans.

Les chèques vont-ils disparaître ?

Un récent rapport sur les moyens de paiement préconise de réduire de moitié le nombre de chèques émis en France d'ici 5 ans. Les chèques seraient trop coûteux pour les banques. Un argument réfuté à l'UFC-Que Choisir. Explications de Jean-Paul Geai, rédacteur en chef du magazine.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Franceinfo (Franceinfo)

Avant de dire que les chèques sont trop coûteux, un constat : Oui, l'utilisation des chèques est beaucoup plus répandue en France que chez nos voisins européens. Ainsi, en 2010, 18 % des transactions, en dehors des espèces (c'est-à-dire les pièces et les billets) étaient réglées en France par des chèques, contre seulement 8 % au Royaume Uni. En Allemagne, nos voisins règlent plutôt leurs achats avec des espèces, même quand il s'agit d'achats importants comme un appareil électro-ménager, voire même une voiture. En France, ce n'est pas le cas. On estime qu'un Français émet une cinquantaine de chèques par an, contre 35 pour un Portugais et une vingtaine pour un Anglais. 

A quoi attribuer ce comportement ?

Il y a des habitudes. Qu'il s'agisse de régler son loyer, les charges, ses factures de gaz ou d'électricité, de payer la cantine ou la crèche des enfants, ou encore de verser des arrhes ou un acompte pour réserver une location ou un séjour de vacances, etc., le chèque est encore largement dominant même s'il décline fortement depuis quelques années au profit de la carte bancaire.

Revenons au coût des chèques évoqué dans le rapport remis récemment au ministre de l’Économie et des Finances. Les chèques coûtent-ils vraiment trop cher aux banques ?

C'est l'argument "tarte à la crème" que les banques nous servent depuis plus de 25 ans. C'est ce qui avait justifié leur offensive de faire payer les chèques à l'époque. Ca s'était soldé par un échec des banques. Longtemps, le traitement des chèques demandait pas mal de manipulations qui avaient un certain coût. Cela avait été chiffré en moyenne à 75 centimes d'euro.

Depuis, cela a sacrément changé, le traitement des chèques se fait majoritairement par des canaux informatiques et les coûts ont considérablement diminué. Même s'il reste quelques exceptions (grosses sommes, paiements en devises étrangères, chèques de banque...) qui demandent plus d'attention.

Mais un, elles sont minoritaires ; deux, les banques les font payer à leurs clients à travers des commissions de change et autres frais divers. Un chèque de banque, ce n'est pas gratuit. Et un chèque tiré sur une banque étrangère est sacrément ponctionné, même s'il est émis en euros.

Selon la Cour des comptes, le traitement des chèques serait de l'ordre de 2,5 milliards d'euros pour les banques.

Oui, bien sûr, mais quand les banques soulignent le coût du chèque, elles se gardent bien d'évoquer ce que leur rapporte la non-rémunération des comptes courants en France. Dans plusieurs pays européens, les banques rémunèrent les comptes courants. Faiblement certes. Et encore faut-il que le client ait un solde positif. En fin de compte, le statu quo français est peut-être préférable : pas de rémunération des comptes à vue et les chèques restent gratuits, le fameux "ni ni ".

Et les banques appliquent toujours des dates de valeur entre la remise d’un chèque à l’encaissement et le moment il est porté au crédit du compte du particulier. Ces dates de valeur ont certes étaient réduites mais elles existent toujours et rapportent de l’argent aux banques qui entre temps placent cette somme sur le marché monétaire.

Aujourd’hui, même en France, les paiements par carte bancaire ont pourtant largement dépassé ceux faits par chèques.

Oui et les banques nous y encouragent car, pour elles, c'est juteux. La carte bancaire leur rapporte de tous les côtés. D'abord, les tarifs des cartes bancaires sont très élevés en France, beaucoup plus que chez nos voisins européens. Puis, pour chaque transaction par carte bancaire, la banque prélève une commission plus ou moins élevée auprès du commerçant. D'ailleurs, Bruxelles s'en inquiète et pointe du doigt le manque de transparence dans le système. On parle d'entente entre les établissements bancaires.

Les banques disent aussi que les retraits aux distributeurs leur coûtent cher.

Laissez-moi rire! Elles oublient de dire aussi que pratiquement toutes aujourd'hui facturent les retraits au distributeur à partir d'un certain nombre, parfois dès le 3éme ! La carte bancaire est un moyen de paiement largement bénéficiaire pour les banques. Et puis il y a aussi les virements et les prélèvements qui sont là encore facturés, même quand c’est le client qui les met en place via Internet. C'est le particulier qui fait toutes les manipulations.

L'avenir passe quand même par les nouvelles technologies. Non ?

Oui, on parle des paiements sans contact, avec son téléphone portable. Mais ces nouvelles technologies devront être sûres, garantir l'anonymat et rester gratuites pour le consommateur. Regarder l'échec de Monéo, ce porte-monnaie électronique qui devait remplacer notre menue monnaie pour nos achats courants.

Pour en revenir aux chèques, vouloir réduire leur nombre de moitié d'ici à 2017, cela vous semble-t-il réaliste ?

C'est ambitieux, sachant que le nombre des chèques émis par les Français a déjà diminué de moitié en dix ans. Il ne faut pas oublier que le chèque permet au consommateur de garder la main sur ses dépenses, de mieux les contrôler. Les chèques permettent des échanges monétaires directs entre les individus. Quand un grand-parent veut gratifier un de ses petits-enfants, c'est par un billet ou un chèque qu'il le fait. Oui, un jour le chèque va sûrement disparaître, mais ce n'est pas pour demain.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.