Les selfies, le phénomène à la mode
Un "selfie" qui
semblait très spontané, mais qui en réalité était très contrôlé, puisqu'il
s'agissait ni plus ni moins de faire la promotion d'une marque de téléphone. Donc,
le selfie fait des ravages. Personne n'y échappe. Je vous en rappelle un autre,
celui de Barak Obama himself, en compagnie de la leader du gouvernement danois
et du premier ministre britannique aux obsèques de Mandela, tous les trois riant
aux éclats. Douteux quant aux circonstances, mais parfaitement au point quant au bruit qu'il a fait. Car
l'un des secrets du selfie réussi consiste à se prendre en photo à bout de bras
dans un lieu célèbre ou au cours d'un événement.
C'est étonnant : il y a une dizaine d'années,
cela aurait été du dernier ridicule de se prendre en photo comme cela...
Et oui, cela aurait été
considéré comme l'équivalent des clichés de touristes devant la tour Eiffel.
C'est bien la preuve que quelque chose a basculé : il s'agit de se montrer
existant à la face du monde d'une manière ou d'une autre. De dire : j'y
étais, la preuve.
Ce n'est pas un peu enfantin comme comportement ?
C'est très enfantin. Ou
plutôt adolescent, Mais n'oublions pas que nous vivons dans une société de
l'image dans laquelle le medium est le
message. La peur est grande de disparaître au milieu de l'avalanche d'images,
de films, d'infos. Il convient donc de se
situer par rapport à cette masse. Le selfie est un "petit" moyen
d'essayer... C'est aussi un moyen de reprendre la main sur ce qui nous échappe.
Se montrer face au monde au sortir de sa douche, comme les stars ou au cours
d'une cérémonie, comme les journalistes à la Maison Blanche, c'est une façon de
croire à la réalité de cette image. Nous sommes si souvent face à des photos ou
des documents truqués, que cette photo-là nous permet de dire "oui,
c'est moi, je suis comme cela et je signe" mais aussi de rétablir une
espèce d'égalité, de semblant de démocratie. Je suis comme les grands de ce
monde, descendus de l'Olympe, ils sont comme moi, avec des boutons et des
cernes. Regardez les actrices qui se
prennent en photo au réveil. Elles semblent vouloir se rebeller face à la
dictature de l'image parfaite et finalement désincarnée qu'elles donnent...
Ou alors, c'est juste un moyen de réveiller l'intérêt
pour leur personne ?
Pas impossible ! A force
d'être exhibé sous une forme, de se montrer sous une autre semble dire "je
suis aussi cette autre personne" . C'est peut-être en effet du
néo-marketing.****
Et si les selfies permettaient de se regonfler
l'estime de soi ?
C'est l'hypothèse lancée par
des sociologues comme Joelle Menrath ou des psychologues comme l'américaine
Pamela Rutledge. L'une des manifestations de ce nouveau booster d'estime de soi
est l'application "snapchat" qui permet d'envoyer des
instantanés qui se détruisent au bout du laps de temps que nous avons décidé,
de une à quelques secondes. Il s'agit juste d'envoyer un signe aux autres, de
se réassurer de la permanence de ce lien et de chercher l'attention des autres
qui nous sont indispensables. L'attente des "like" aux selfies
envoyés c'est, selon Pamela Rutledge, je cite, "comme le compliment que
vous guettez quand vous mettez une jolie robe à une soirée." Ce qui
nous renvoie, encore et toujours, au besoin essentiel du regard soutenant de
nos parents lorsque nous étions enfants...
Enfin, quand il s'agit de Barak Obama...
Deux hypothèses : soit
le message envoyé est le suivant "je suis peut-être l'homme le plus
puissant de la planète, mais après tout, je ne suis qu'un homme comme vous
autres." Donc, stratégie de communication. Soit il s'agit vraiment
d'un moment de laisser-aller, et dans ce cas, on peut s'interroger sur
l'importance réelle accordée à leur fonction par ces dirigeants... car, en fin de compte, nul n'est obligé
d'avoir recours aux selfies. Je ne suis pas persuadée que Churchill ou Napoléon
y auraient fait appel... Quoique...
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