Les géants de la tech face à la nouvelle règlementation : qui cèdera le moins à l'Europe tout en évitant les amendes ?
Ce serait une nouvelle discipline à inscrire au programme des Jeux olympiques : se conformer à la nouvelle réglementation européenne sur le numérique (DMA), tout en flirtant avec ses limites pour céder le moins de terrain possible, ne pas perdre son monopole ou ses acquis. Apple, Alphabet – la maison mère de Google – Amazon, Meta, Microsoft et ByteDance, l’éditeur de TikTok : ce sont les six "contrôleurs d’accès", comme les appelle la Commission européenne. Ils gèrent 22 services, que ce soit des magasins d’applications mobiles, des navigateurs Internet ou des moteurs de recherche.
Et c’est pour Apple que cette révolution du DMA est la plus difficile à avaler : Apple qui justifie et protège son écosystème, fermé depuis plus de 15 ans, sur le thème de la sécurité et de la simplicité, sommé d’accepter que les applications mobiles puissent désormais provenir d’autres magasins que l’App Store.
Entre parenthèses, c’est la porte ouverte – notamment – aux applications dédiées aux contenus pornographiques, exclues depuis toujours par Apple, et qui vont s’engouffrer dans la branche pour débarquer sur l’iPhone. Techniquement, l’installation d’une application, via un magasin alternatif, est possible depuis l’arrivée de la mise à jour 17.4 d’iOS, même si aucun magasin n’est encore accessible concrètement. Depuis mardi 5 mars, on peut aussi choisir un autre navigateur par défaut que Safari, et un autre système de paiement sans contact qu’Apple Pay.
Victimes collatérales : les hôtels, restaurants, commerçants
Pour Google aussi, l’arrivée du DMA représente un défi, même si l’installation d’applications sans passer par son Play Store existe depuis toujours, comme le rappelle le groupe de Mountain View (Californie). Depuis 2018 et une procédure qui lui avait coûté 5 milliards de dollars, Google permettait déjà de changer de moteur de recherche par défaut, même si jusqu’en 2021, les candidats devaient payer pour apparaître parmi les choix.
Mais le DMA n’a pas que des effets bénéfiques : Google reconnaît que les derniers changements sur son moteur de recherche impactent la visibilité des hôtels, des restaurants, des commerçants, des compagnies aériennes. Bref, des "petites structures" dont certains en ressentent déjà le contrecoup, au profit des grosses plateformes. Or, c’est exactement le contraire de l’objectif affiché par Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur.
En ce qui concerne Meta, l’un des enjeux, c’est l’interopérabilité de WhatsApp et Messenger avec les messageries tierces, tout en préservant le chiffrement de bout en bout. Concrètement, les "chats", d’une plateforme à l’autre, ne sont pas encore possibles : il faut dire que Mark Zuckerberg a perdu du temps depuis novembre, en contestant que ses services soient concernés par le DMA.
Google moteur de recherche par défaut potentiel... dans Windows
Pour Microsoft, les changements concernent essentiellement la place de Bing, son moteur de recherche, et de Edge, son navigateur, dans Windows. Google peut désormais, par exemple, revendiquer, sur chaque PC, de devenir le moteur de recherche de Windows. Enfin, ByteDance, le seul géant non américain parmi les six, continue de contester son statut de contrôleur d’accès, en se présentant comme un challenger, et pas comme un poids lourd. L’éditeur chinois de TikTok propose néanmoins déjà, aux développeurs, un outil pour exporter les données des utilisateurs vers une autre application, avec leur consentement.
Alors que valent ces évolutions ? Répondent-elles au DMA ? Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, l’a redit : "Les géants de la tech doivent changer de comportement". À Bruxelles, on va maintenant étudier ces changements à la loupe. En cas de manquement, chaque géant concerné risque une amende équivalant à 10% de son chiffre d’affaires mondial, 20% en cas de récidive. Des dizaines de milliards d’euros, potentiellement.
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