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Profession : reporter de guerre. Quand la mission essentielle d'informer se confronte au risque sécuritaire

Sur une ligne de front, le risque zéro n'existe pas. Pour autant, le reporter de guerre n'est pas suicidaire. Chacune de ces décisions sur le terrain relève du dilemme. Ces derniers jours, la guerre a repris dans le Haut-Karabakh , enclave arménienne en Azerbaïdjan. Claude Bruillot est l'envoyé spécial de Radio France. 

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le Haut-Karabakh sous les bombes.  (CLAUDE BRUILLOT / REDACTION INTERNATIONALE / RADIO FRANCE)

Rien ne vaut le terrain. Surtout en zone hostile. Un conflit armé se double toujours d'une guerre de communication entre belligérants. Propagande contre propagande qu'il est parfois difficile de démêler. Ou alors des communiqués qui portent des semi-vérités, des faits arrangés, maquillés.

Organiser une mécanique de travail et savoir garder son calme

Comment savoir si Ankara dépêche sur place des mercenaires syriens ou si Erevan envoie des milliers de volontaires en renfort si les reporters ne sont pas sur place pour vérifier ce que disent gouvernements et état-majors ?  Mais pour les journalistes, s'approcher de la réalité du terrain sous-entend toujours se confronter au risque sécuritaire, surtout quand les populations civiles sont prises pour cible.

Martouni, village arménien dans le Haut-Karabakh, bombardé pour le cinquième jour d'affilée par l'artillerie azérie, le 1er octobre 2020. (CLAUDE BRUILLOT / REDACTION INTERNATIONALE / RADIO FRANCE)

Claude Bruillot, correspondant permanent de Radio France à Moscou, est l'envoyé spécial de la rédaction internationale dans le Haut-Karabakh. Ce grand reporter est habitué des conflits qu'il couvre depuis plus de 20 ans (Kosovo, Afghanistan, Irak). Et si il y a une mécanique récurrente  dans l'organisation de travail - le choix important du fixeur, une bonne étude de la zone, quelques réflexes à acquérir pour apprécier les niveaux de dangerosité - les années qui passent apportent les nouvelles technologies sur les théâtres de guerre. Les bombardements azéris se font à partir de drônes.

Avant, on regardait où l'on mettait à pied à cause des mines, maintenant il faut toujours regarder en l'air pour repérer un éventuel drône.

Claude Bruillot, envoyé spécial dans le Haut-Karabakh 

Pour échapper au tir aérien, sur les routes cabossées, il faut être mobile, rapide, et courir le risque de l'accident de voiture. Rien n'est simple. La part de risque est toujours évaluée mais elle comporte des zones grises que personne ne peut anticiper vraiment. Et puis l'habitude est une compagne encombrante. "J'étais en train de me raser dans ma chambre, une bombe est tombée pas très loin, j'ai continué de me raser... Il y a deux jours, je me serais précipité à la cave". Comment savoir quelle posture est la meilleure ? Le stress et la nervosité ne mènent à rien. Dans ces situations précaires, il faut savoir garder son calme. 

Il y a les journalistes, amis, collègues, qui tombent

Ce fut le cas cette semaine avec deux journalistes du Monde sérieusement blessés jeudi matin, dans un bombardement à Martuni. Un bombardement azéri. Leurs jours ne sont pas en danger, mais ils ont été hospitalisés. Et pour Claude Bruillot, qui n'oubliera jamais ses amis qui sont morts ces 20 dernières années, continuer d'aller témoigner sur ces terrains sensibles, c'est aussi ne pas oublier celles et ceux qui ont payé de leur vie cette mission essentielle d'informer.

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