Pisa : une école à trois vitesses
Commençons par les résultats bruts : " le
score obtenu en mathématiques par les élèves de 15 ans a diminué de 16 points
entre PISA 2003 (511 points) et PISA 2012 (495 points), ce qui, en 9 ans, fait
passer la France du groupe des pays dont la performance est supérieure à la
moyenne de l'OCDE au groupe des pays dont la performance est dans la moyenne de
l'OCDE. "
Raison de cette baisse :
" Par rapport aux résultats de 2003,
il y a à peu près autant d'élèves très performants (niveau 5 ou 6 de
compétence) en France, mais surtout beaucoup plus d'élèves en difficulté (sous
le niveau 2 de compétence), ce qui sous-entend que le système s'est dégradé
principalement par le bas entre 2003 et 2012 "
D'où
le flot de critiques qu'on entend depuis ce matin sur le fait que nous avons
une école à deux vitesses.
Oui. Car Pisa 2012 confirme la corrélation
intime entre origines sociales et niveau scolaire : concentration de CSP+
parmi les élèves très performants, concentration de CSP- parmi les élèves les
moins performants. " En France, la corrélation entre le milieu
socio-économique et la performance est bien plus marquée que dans la plupart
des autres pays de l'OCDE ". Et ça s'est aggravé : " lorsque
l'on appartient à un milieu défavorisé, on a clairement aujourd'hui moins de
chances de réussir qu'en 2003 "
Ça,
c'est pour les mathématiques. En français ?
La France se situe au-dessus de la moyenne
des pays de l'OCDE avec un score de 505 points en compréhension de l'écrit
(contre 496 points, en moyenne, dans les pays de l'OCDE) et affiche un score
identique à celui qu'elle avait obtenu lors du cycle PISA 2000. Je précise que
les améliorations en compréhension de l'écrit sont principalement dues aux
résultats des filles.
Mais là aussi : les écarts de
performance en compréhension de l'écrit se sont creusés sur cette période.
Point positif : " la proportion d'élèves très performants a augmenté de 4
points de pourcentage. Point négatif : la proportion d'élèves peu performants a
elle aussi augmenté de 4 points de pourcentage sur cette période. "
Vincent
Peillon avait laissé filtrer ces résultats il y a plusieurs semaines, annonçant
qu'ils seraient mauvais, et que cela justifiait la " refondation " de
l'école dans laquelle il est engagé. En quoi Pisa peut-il lui servir ?
Quand on regarde les facteurs
qui expliquent cette dégradation, on trouve des dossiers extrêmement délicats
politiquement, j'en vois essentiellement trois. Le premier c'est celui du
collège. Beaucoup de commentateurs expliquent depuis ce matin qu'on a une école
à deux vitesses, avec donc ce gouffre entre très bons et très mauvais, on
relève plus rarement que l'augmentation de la proportion d'élèves peu
performants s'est faite par le glissement d'un certain nombre d'élèves de la
catégorie " moyens " à la catégorie " faible ".
Non
seulement on ne résout pas les problèmes des plus fragiles mais on laisse de
plus en plus d'élèves se fragiliser...
Exactement. Et cette catégorie
reste majoritaire. Donc à force de concentrer tous les efforts sur l'éducation
prioritaire, qu'il faut évidemment aider, on oublie que c'est la dynamique
générale du système qui produit cet accroissement des inégalités. En dix ans,
la droite ne s'y est pas attaquée. Et pour l'instant, la gauche non plus.
Il
y a tout de même cette priorité donnée à l'école primaire...
Oui. Mais je vous renvoie à ce
récent rapport, au vitriol, de l'Inspection générale, qui explique que les
enseignants de primaire ne sont pas assez formés, et que cela explique au moins
en partie les difficultés des élèves à ce niveau – on en a parlé sur France
Info. Eh bien pisa va encore plus loin : l'étude montre que " les
systèmes de tutorat en faveur des enseignants à l'intérieur des établissements
sont très peu développés en France : seuls 17 % des enseignants en
bénéficient, contre 72 %, en moyenne, dans les pays de l'OCDE ". Nous
sommes au dernier rang. Les enseignants sont littéralement abandonnés. Leur
précieuse liberté pédagogique est avant tout une immense solitude pédagogique.
Une
bonne raison de réforme leur formation...
Oui, initiale et continue. Mais
aussi leur encadrement donc le rapport avec la hiérarchie, avec l'inspection
dont c'est- tout de même le travail – songez que dans le secondaire on peut ne
pas voir d'inspecteur pendant 10 ans. Là aussi, tout reste à faire, tout reste
à " refonder ".
Trois
priorités disiez-vous : le collège, la formation et l'encadrement des
enseignants... La troisième ?
Les programmes et le système
d'orientation. Nos élèves sont parmi les plus anxieux au monde, et notamment
face aux mathématiques, qui sont la discipline reine de l'école, celle qui trie
" D'après les déclarations des élèves, la France**** présente, parmi les pays de l'OCDE, la plus large
proportion d'élèves indiquant se sentir perdus quand ils essaient de résoudre
un problème de mathématiques. En France,
ils sont 43 % à déclarer se sentir perdus, contre 30 %, en moyenne, dans les
pays de l'OCDE. En outre, parmi les pays de l'OCDE, ils sont aussi les plus
anxieux par rapport aux devoirs de mathématiques à faire à la maison. Plus d'un
élève français sur deux est d'accord avec l'affirmation " Je suis très tendu
quand j'ai un devoir de mathématiques à faire ", contre un élève sur trois, en
moyenne, dans les pays de l'OCDE ".
En
somme, Pisa nous dit que l'école n'est pas seulement malade de ses élèves en
grande difficulté...
Non. C'est toute la dynamique du système qui
produit ces inégalités. Elle pousse les plus performants à toujours plus de
compétition, et elle laisse les " moyens faibles " glisser vers les
très faibles. C'est le cœur du logiciel qui dysfonctionne, pas seulement ses
marges.
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