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Route 128 : Harvard, la doyenne des universités américaines

A Boston, la route 128 est souvent comparée à la Silicon Valley californienne. On y retrouve la même concentration d'intelligence et d'innovation avec notamment Harvard, l'université numéro un dans quasiment tous les classements internationaux. Créée en 1636 et baptisée du nom de son premier généreux donateur - John Harvard - c'est la doyenne des universités américaines. 
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
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Une
anecdote qui en dit long sur son prestige : le gouverneur de la Réserve
fédérale américaine, Jeremy Stein, vient de renoncer à sa fonction pour ne pas
perdre son poste d'enseignant à Harvard, ce qui lui serait arrivé s'il s'était
absenté plus longtemps de son poste. Mais Harvard ce sont surtout 47 prix
Nobel, 48 prix Pulitzer, 32 chefs d'Etat, une bibliothèque qui comprend 19
millions d'ouvrages, 21.000 étudiants qui paient en moyenne 11.000 dollars par
an - mais le prix monte à 60.000 pour ceux qui ne bénéficient d'aucune aide -,
un fond de dotation de 32 milliards de dollars.

Et
ce n'est qu'un pan de la richesse de cette région en matière d'enseignement
supérieur et de recherche puisque l'on trouve aussi à Cambridge le MIT, un des
centres de recherche les plus innovants du monde et, tout autour, un réseau
extraordinairement dense de centres de recherche publics et privés,
d'incubateurs de start-up qui permettent de trouver des débouchés économiques
aux découvertes qui y sont réalisées. Il y a aussi une multitude d'entreprises
innovantes, notamment dans le domaine des biotechnologies, et quelques poids
lourds de l'économie américaine.

Cette
route 128 fait le tour de Boston de Cambridge qui est la ville mitoyenne où se
situent notamment Harvard et le MIT. Elle est devenue synonyme d'enseignement
supérieur et de recherche dès les années 1950. Cet écosystème est central quand
on parle d'enseignement supérieur et de recherche. On parle aussi de
clusters, mot qu'on peut traduire par agglomérat.

L'idée est de relier toutes
les maillons de la chaîne qui permet de transformer l'intelligence en richesse.

La France travaille dans le même sens avec des projets comme Paris Saclay qui
va réunir en un même lieu une quinzaine des plus prestigieuses grandes écoles
françaises dont Polytechnique, des centres de recherche, des universités. Il y
a aussi le projet Giant, à Grenoble, autour des nanotechnologies. Et puis, à
des degrés moindres mais sur la même logique, on voit se multiplier les
alliances entre grandes écoles de commerce et d'ingénieurs et les regroupements
d'universités.

Pour
expliquer cette mobilisation autour de ces enjeux au niveau mondial, plusieurs
facteurs se combinent. Le premier c'est que les pays développés pensent qu'ils
ont plus intérêt à créer de la valeur en produisant de l'innovation plutôt
qu'en fabriquant. Si vous prenez aujourd'hui la valeur d'un iPhone : elle va à
96% dans les pays qui ont inventé la technologie ou qui sont capables de
produire certains composants à très forte valeur ajoutée technologique ; la
Chine, qui se contente d'assembler les composants, donc de fabriquer concrètement
l'objet, ne récupère que 4% de sa valeur. La croissance dépend donc de cette
capacité à concevoir et à trouver des débouchés économiques.

Elle se nourrit de
la puissance de la recherche.

Deuxième facteur : l'urgence. La puissance
économique au XXe siècle s'est largement construite sur la production
d'énergie, et notamment sur le pétrole et le gaz. Ces ressources ne sont pas
éternelles. Il faut donc trouver d'autres relais de croissance. Troisième
facteur : la révolution numérique, qui rebat les cartes dans tous les domaines
et notamment en matière d'enseignement.

Les
révolutions technologiques font des morts, des morts au moins symboliques,
souvent des morts sociales ou économiques, et parfois des morts bien réels. Il
y en a eu lorsque l'agriculture s'est mécanisée et que l'exode rural a chassé
des millions de paysans vers les villes ; il y en a eu lorsque l'industrie
s'est automatisée - pour rester aux États-Unis prenez l'exemple de Detroit,
capitale flamboyante de l'industrie automobile, aujourd'hui ville fantôme. Dès
qu'on remplace l'homme par des machines, il y a une période extrêmement
douloureuse. Le mouvement ne fait aujourd'hui que s'amorcer en matière
d'éducation, on est en à la première vaguelette annonciatrice du tsunami, mais
c'est maintenant qu'il faut s'en préoccuper ; dans dix ou vingt ans il sera
trop tard et, sur ce terrain, les Américains sont en avance même si la France a
de réels atouts à faire valoir, ce sont les grandes universités nord américaines
qui donnent le la. Et nous en donnerons des exemples cette semaine notamment
autour d'une des trois plateformes de Moocs les plus célèbres, EdX - les Moocs
ce sont ces cours diffusés massivement via internet. Mais au-delà de la
question du numérique, la force des Américains vient de leur capacité à créer
les conditions d'études et de recherche qui incitent à innover.

D'une certaine
manière vous n'avez pas besoin d'écrans pour former aux enjeux de la révolution
numérique, vous avez besoin de méthodologies d'innovation, et de réunir les
différentes composantes de ces écosystèmes propices à l'innovation tels que
ceux que vous observez dans la Silicon Valley ou autour de notre route 128. 

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