Crise du logement : "C'est l'ensemble de la chaîne qu'il faut toucher, pour rouvrir le logement le plus social pour les plus défavorisés", estime Jean Viard

La crise du logement a atteint des sommets. La recherche locative devient un chemin de croix. Une question de société décryptée par le sociologue Jean Viard
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
"En France, souligne Jean Viard, il y a à peu près 5,5 millions de logements sociaux, pour un parc de 33 millions de logements. Il y a, à peu près, 1,5 million de familles qui cherchent un logement social". (Illustration) (JULIAN STRATENSCHULTE / PICTURE ALLIANCE / GETTY IMAGES)

Guillaume Kasbarian, le ministre chargé du Logement, a présenté ce vendredi en Conseil des ministres, un projet de loi sur le logement social, avec l'idée, entre autres, d'un surloyer pour les foyers qui occupent des HLM, alors qu'ils ont dépassé même d'un euro les seuils d'éligibilité. La recherche locative devient un chemin de croix.

franceinfo : Jean Viard, on sent que cette thématique importe à beaucoup de Français ? 

Jean Viard : La question du logement, c'est un vrai sujet pour différentes raisons. La première question, c'est que la France met beaucoup d'argent dans le logement et qu'au fond, il y a une véritable insatisfaction, on manque de logements alors que ça coûte très cher. Les pays autour de nous dépensent moins d'argent, et en général, les gens sont plus contents. Donc ça nécessite de remettre la question à plat.

Le deuxième élément, évidemment, c'est que la France change. Les gens se déplacent vers les littoraux, 67% des gens ont un jardin, les gens habitent dans le pourtour des grandes villes. Si vous voulez habiter dans 'la diagonale du vide', en gros, si vous allez de Metz à Montauban, vous allez trouver des logements, y compris éventuellement des logements sociaux. 40% des HLM sont occupés par des femmes seules avec enfants – le chiffre est celui de Marseille, mais il doit être assez général, parce qu'on leur donne priorité pour des raisons que tout le monde connaît. 

Il y a tous ces éléments : changement de la famille, changement de territoire, inflation, et puis nouvelles normes : le fait qu'on ne peut pas construire n'importe où, ça augmente le prix. Le fait qu'on ait mis des "normes handicapés", c'est une bonne nouvelle, puisqu'il y a de plus en plus de personnes âgées, et donc les gens âgés ont plus de mal à se déplacer. Mais donc, on impose des normes, c'est plus cher. Et puis bien sûr, la question du chauffage, de l'écologie. Ça aussi, ça renchérit le coût des bâtiments, donc des bâtiments plus chers, mais comme beaucoup des réformes qu'on a faites récemment, on fait un peu des normes, et après, on se demande comment on fait pour que ça fonctionne.

Après, il y a une crise aussi, pourquoi ? La question, c'est : c'est quoi le logement social ? En France, il y a à peu près 5, 5 millions de logements sociaux pour un parc de 33 millions de logements. Il y a à peu près 1,5 million de familles qui cherchent un logement social. La question, c'est : est-ce que le logement social, c'est une manière de démarrer dans la vie, quand effectivement les salaires en France sont bas pour les jeunes, et puis ils augmentent un peu avec le temps – pour beaucoup, pas pour tout le monde puisqu'il y a des gens qui restent au SMIC. Mais l'essentiel des gens voient leurs salaires augmenter, et à la fin, 70% des retraités sont propriétaires. Donc oui, il y a cette courbe-là.

Est-ce que, par exemple, vous pouvez acheter une résidence secondaire quand vous êtes dans un logement social ? Est-ce que, quand vous augmentez votre revenu, on va tout de suite vous dire : écoutez, vous avez dépassé le plafond, il faut trouver un autre logement. Il y a tous ces enjeux de société, derrière. C'est un peu difficile à comprendre, quand on voit qu'il y a 1,8 million de familles qui attendent.

Il y a une vraie question parce que la première pauvreté, c'est l'absence de logement, et c'est vraiment la chose la plus épouvantable. Il est clair que là, on a un problème et que c'est l'ensemble de la chaîne qu'il faut toucher, pour rouvrir le logement le plus social, pour les plus défavorisés.

Il y a une difficulté pour trouver du logement social, et puis, il y a cette proposition presque révolutionnaire qui vient de l'Institut Sapiens, qui propose qu'il n'y ait plus de logements sociaux, mais que tous les logements soient potentiellement des logements sociaux, dès lors qu'une personne ou une famille éligible habite dedans.

Le propriétaire recevrait une partie du loyer par les locataires en fonction de leurs moyens et le reste serait versé par l'État. Est-ce que ça vous semble pertinent comme proposition ?

Je ne suis pas assez spécialiste pour aller vers ce genre de grande réforme, mais de toute façon, il faut construire plus. Le problème, c'est comment on augmente la construction, c’est-à-dire de libérer des terrains dans le périurbain, puisque beaucoup de gens veulent habiter à côté des villes, là où on a commencé à faire des lotissements dans un immense désordre. C'est toute cette question d'aménagement du territoire qui est très faible depuis quelques années.

Il n'y a plus de pensée d'aménagement du territoire. Je crois qu'il faut remettre tout ça sur la table, réfléchir aux trajets résidentiels, réfléchir au fait que le télétravail permet à 30% des gens d'habiter plus loin des villes. Ça aussi, c'est une nouvelle donnée extrêmement importante. Et ensuite, quand on aura cette vision du mode de vie des Français, comment protéger les plus faibles et comment on favorise la construction individuelle.

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