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Guerre en Ukraine : "L'Europe fait une politique d'accueil des réfugiés ukrainiens vraiment à la hauteur"

La guerre en Ukraine et déjà plus de 1,5 million de réfugiés qui ont fui leur pays en dix jours, majoritairement accueillis en Pologne. Des centaines de réfugiés arrivent en France actuellement dans différentes communes. Selon l'ONU, ce sont 4 millions de personnes qui pourraient vouloir quitter leur pays pour échapper à la guerre. 

Article rédigé par franceinfo, Augustin Arrivé
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée, le 6 mars 2022. Arrivée d'une cinquantaine de réfugiés ukrainiens, principalement des femmes et des enfants. Ils ont été accueillis par plusieurs familles vendéennes. (JEROME FOUQUET / MAXPPP)

Notre comportement face à cette guerre en Ukraine et aux centaines de milliers de réfugiés qui ont quitté leur pays en l'espace de dix jours : c'est notre thème de réflexion aujourd'hui avec le sociologe Jean Viard *. Les Ukrainiens qui fuient, se retrouvent sur les routes de l'Union européenne. Certains sont déjà arrivés en France et ont été accueillis avec une mansuétude, une solidarité que d'autres, par le passé, n'ont pas forcément connue.

franceinfo : La France, cette fois, est prête à contribuer à cet accueil ? 

Jean Viard : D'une part, je pense que la France est prête, et l'Europe aussi, parce que même l'Europe a actionné la loi de 2001 qui donne aux réfugiés politiques le droit de travailler et d'avoir des droits sociaux tout de suite. On considère que ce sont des "incontestables" réfugiés politiques. C'est vrai que c'est la première fois qu'on le fait. On le fait parce que c'est une affaire qui est entre nous, dans "la maison commune". Et puis, c'est aussi un "gros" qui écrase un "petit", ce qui est forcément d'autant plus scandaleux. 

La "maison commune", c'est le continent européen...

C'est le continent européen. C'est ce que disait Gorbatchev. Alors que c'est vrai que la Syrie, notamment, a été moins bien traitée et qu'il y a des raisons multiples, et dans les raisons, il y a aussi qu'il y a une forme de xénophobie dans une partie de la population, voire de racisme, ou de certains extrémismes qui font que ce sont des sujets beaucoup plus compliqués à traiter et qu'on a été moins percutant. Même si l'Allemagne a quand même accueilli presque un million de Syriens, il ne faut pas l'oublier. Donc ce sont des différences de position d'accueil qui sont aussi liées aux conflits à l'intérieur de nos sociétés. Tout ça existe, on le voit dans les études d'opinion.

Le pouvoir de l'image est immense aussi, et depuis le début de cette guerre, personne ne peut aujourd'hui douter de la situation de l'ensemble des Ukrainiens. Alors que le discours anti-migrants que l'on entendait à l'extrême droite depuis les printemps arabes, c'était de dire que peut-être certains, parmi ces flot de réfugiés, profitaient en quelque sorte du système ?

Oui, mais ça, c'est vrai. D'ailleurs, si on prend un seul chiffre, il y a 130 000 dépôts de demandes en France, d'être reconnus comme réfugiés politiques. Il n'y en a que 30 000 qui obtiennent les papiers. Plus tous les sans papiers, donc on a un vrai problème. Effectivement, il faut bien séparer les gens qui sont obligés de partir pour des raisons politiques, et les gens qui souvent viennent de pays très pauvres, mais vis-à-vis desquels il n'y a pas de principe d'accueil systématique. Ces deux sujets sont très différents.

Il faut retenir une chose si on veut être positif : pour une fois, ce qui se passe, c'est qu'on accueille clairement les gens, et ça va compter après. Si il y a une autre guerre quelque part, on va dire attendez, vous l'avez fait pour les Ukrainiens. Donc, essayons de se dire que même si dans le passé, cela a été souvent difficile, ne soyons pas naïfs sur le racisme dans nos sociétés, mais n'en augmentons pas le poids, et disons nous : là ,si on marque un point, l'Europe au fond fait une politique d'accueil vraiment à la hauteur, espérons que ce ne sera pas la dernière fois.

Mais il y a quelques mois, il y avait encore des messages relayés par des associations à Calais, par exemple, qui, là, seraient susceptibles de demander la même mansuétude que ce qu'on voit pour les Ukrainiens qui arrivent sur notre territoire ? 

Oui, mais ils n'auront pas le même statut. C'est toujours le même problème : on voit des gens, des hommes, des femmes, des enfants qui ont tous leur droit de vivre, et c'est incontestable. Et en même temps, on est obligé de gérer les flux internationaux de populations. Donc on est dans cette contradiction. Et effectivement, notamment l'Angleterre, qui a élu un gouvernement qui est sorti de l'Europe, à cause de son refus de la circulation migratoire, et qui essaye de mettre une barrière et de nous la faire gérer à Calais, et bien moi je suis content plutôt d'être en Europe.

Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au CNRS, et ancien candidat LREM aux élections législatives dans la 5e circonscription du Vaucluse en 2017.

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