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Immobilier : "En France, le rêve de la majorité de la population est de devenir propriétaire, et à peu près 60% le font", souligne Jean Viard

Les conséquences de la baisse des prix de l’immobilier, cela est-il une donnée structurante pour la société française ? L'éclairage du sociologue Jean Viard. 

Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Première baisse des prix de l'immobilier en France depuis 10 ans. 60% des Français réalisent leur rêve de devenir propriétaires. (Illustration) (THOMAS BARWICK / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

Le sociologue Jean Viard, répond aujourd'hui à cette question de société : quelles peuvent être les conséquences de la baisse des prix de l'immobilier en France ? Ce constat, dressé cette semaine par les professionnels du secteur, comme l'accès au crédit, est plus compliqué. Cela entraîne une baisse de la demande, et donc une baisse des prix, qui s'amorce pour la première fois depuis 10 ans.

franceinfo : Si cette baisse des prix se confirme, est-ce que c'est une donnée importante, structurante pour la société française ? 

Jean Viard : En période d'inflation, les taux augmentent, et donc forcément, ça ralentit le marché. Surtout, il faut dire que depuis deux ans, il y a eu énormément de mouvements. Paris avait plus baissé, mais il y a plein de régions de province où les prix avaient augmenté. Mais Paris avait déjà baissé parce qu'il y a eu des dizaines de milliers de départs de la capitale, ou de gens qui n'y viennent plus qu'une nuit par semaine, par exemple.

Donc le marché est extrêmement mobile, et ça, ça me semble une tendance de fond. Avec une remarque, c'est que depuis quelques années, on a avancé l'âge du premier achat, à 32 ans à peu près ; alors qu'il y a 10 ou 15 ans, on était à 37 ans. C'était aussi lié à la conjoncture précédente, aux taux d'intérêt très bas. Mais ça avait effectivement permis aux jeunes adultes, entre 32 et 35 ans, d'acheter plus tôt. Donc, il peut y avoir une certaine rupture. Mais ça va dépendre de la durée de l'inflation, je vous répondrais bien dans un an.

Être propriétaire, est-ce que c'est une envie partagée par une grande majorité des Français ? Plus encore, peut-être d'ailleurs, après la crise sanitaire ? 

Oui, alors il faut être clair, pour 90% des gens, c'est le rêve. Y en a que 57% qui y arrivent, en fait un peu plus, parce qu'il y en a aussi 20% qui ont une résidence secondaire, et ils n'ont pas toujours deux maisons. Souvent, ils ont une location et une résidence secondaire, mais on n'est pas à l'objectif de ce que désirent les gens.

Après, ce qui est très paradoxal, c'est que, si on prend l'Europe, les pays les plus pauvres sont ceux où il y a plus de propriétaires, et les pays les plus aisés, notamment l'Allemagne, où il y a moins de propriétaires. Alors, il y a différentes raisons, des raisons historiques liées aux guerres, la mémoire des traumatismes, les cultures.

Mais il y a aussi une chose, c'est que dans les sociétés les plus confortables – la France est juste au milieu – l'Autriche notamment, et l'Allemagne, les gens ont totalement confiance dans le système des retraites. Ils n'ont aucune inquiétude sur la retraite et du coup, au lieu d'investir dans le patrimoine, ils consomment. Et du coup, l'économie est plus rapide parce que la consommation est plus rapide que chez nous. Au lieu de bloquer de l'argent pour acheter une maison, ils louent et puis effectivement, ils consomment.

Ce sont des modèles économiques compliqués, mais en France, c'est clair que c'est le rêve de la majorité de la population de devenir propriétaire, et à peu près 60% le font. Et là encore, il faut dire une chose, c'est qu'on perd ses parents à 63 ans, en moyenne. En gros, on hérite au moment de la prise de retraite pour les 60% de Français qui héritent d'un bien immobilier. Ce n'est pas tout le monde, mais il faut mettre tous ces grands équilibres ensemble.

Mais c'est clair que la transmission de l'héritage, la possession de sa maison, le fait d'avoir un toit qui vous est quasi garanti, quels que soient les aléas de la vie, ce sont des choses très importantes. 

Payer un loyer plutôt que rembourser un crédit, c'est s'appauvrir, et avec un âge d'accès moyen à la propriété autour de 32 ans, aujourd'hui, ce sont donc les jeunes qui passent le plus d'argent dans ces loyers. Est-ce qu'il serait de bon ton d'abaisser cet âge d'accès à la propriété, par certaines mesures ?

Le premier bébé, c'est 30 ans et quatre mois, et le moment où les couples deviennent stables, aujourd'hui, en France, et le CDI, le couple stable tout ça, c'est vers 29 ans. Avant, on a une longue jeunesse où on expérimente un certain nombre de choses, de partenaires, etc, et donc, au fond, la stabilité, ça vient un peu après 30 ans. Le logement a été acheté à 32 ans, on faisait d'abord le bébé avant d'acheter l'appartement ou la maison.

Alors là, ça peut bouger. D'ailleurs, l'âge du premier bébé peut aussi bouger. Il peut reculer, puisque le taux de natalité a tendance à reculer. Mais il faut mettre toutes ces choses ensemble. Le problème du logement, de la propriété, c'est un phénomène qui vous stabilise, parce que le locataire est plus mobile que le propriétaire en terme géographique. Donc, les gens vont acheter au moment où ils ont l'impression d'être stables.

Or, en ce moment dans nos grandes villes, il y a beaucoup de gens qui rêvent d'en partir, 80% des cas de Parisiens, et 64% des habitants d'Île-de-France. Si vous dans votre tête, vous vous racontez que vous allez partir, vous avez plutôt tendance à mettre un peu d'argent de côté pour aller acheter à l'extérieur de la métropole. Il y a tous ces éléments qu'il faut mettre ensemble, mais sans oublier ce rêve profond, au fond, d'être protégé par ses propres murs. 

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