Inflation : "L'alimentation a beaucoup plus augmenté que les autres produits depuis deux ans, et ça a beaucoup plus touché les milieux populaires", souligne Jean Viard

Un premier round de négociations entre la grande distribution et ses fournisseurs doit prendre fin demain, lundi 16 janvier. C'est tout le volet des discussions qui implique les petites et moyennes entreprises. Des hausses vont concerner certains produits alimentaires.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les prix dans les rayons pour l'année qui vient, et donc, en partie, les prix de l'alimentation, sont en discussion entre grande distribution et fournisseurs. (AJA KOSKA / E+ / GETTY IMAGES)

Nous parlons aujourd'hui des négociations commerciales en cours jusqu'à demain lundi entre la grande distribution et les fournisseurs. L'objectif est de définir les prix dans les rayons pour l'année qui vient, et donc, en partie, les prix de l'alimentation. Le sujet est électrique. Ces discussions sont suivies de près. Les différentes parties se répondent par presse interposée, sous le regard bien sûr des politiques et des Français, qui attendent des baisses. Mais des hausses vont aussi survenir sur certains produits.

franceinfo : Jean Viard, ça veut dire qu'avoir l'argent suffisant pour bien se nourrir au quotidien, ce n'est pas forcément une évidence ? 

Jean Viard : Ce n'est pas une évidence. En plus, on avait perdu la culture de l'inflation. On sort d'une longue période où on était dans la culture du chômage, et donc les gens se demandaient comment faire pour le contourner, pour s'en sortir, etc. Aujourd'hui, il faut apprendre la culture de l'inflation parce que les gens ne consomment pas pareil, ils s'adaptent. Après, ce qui est vrai, c'est que quand on mangeait déjà des pâtes quasiment tous les jours, on ne peut pas s'adapter.

Et l'alimentation a beaucoup plus augmenté que les autres produits, depuis deux ans. Et ça a beaucoup plus touché les milieux populaires, parce que la part de l'alimentation dans les revenus modestes, est plus importante. Les gens aisés consacrent à peu près 14% de leur revenu à se nourrir, et souvent avec des produits de qualité, voire des restaurants. Dans les milieux populaires, on arrive parfois à 20% du budget de l'alimentation. Donc quand ça augmente de 15 à 20%, ça produit évidemment un effet beaucoup plus grave. C'est pour ça que les milieux populaires sont beaucoup plus sensibles. Et ne parlons pas des milieux les plus défavorisés.

Juste une remarque : il y a eu une proposition qui avait été faite il y a quelques années, qui était de  donner des chèques alimentaires dans les milieux populaires, où les Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, de l'ordre de 150 à 200 euros par mois pour n'acheter que des produits alimentaires. Moi, je trouvais cette mesure extrêmement intelligente parce qu'effectivement on ne peut pas discuter du fait que les gens se nourrissent, mais se nourrissent relativement bien, notamment pour les enfants.

Mais justement, ce chèque alimentaire, on a appris il y a quelques jours qu'il n'allait pas être mis en place pour plusieurs millions de Français. Ce sera, à l'inverse, des aides aux banques alimentaires et aux associations. 2 millions et demi de Français vont vers les banques alimentaires encore, c'est difficile d'imaginer qu'il y a autant de monde aujourd'hui qui ne parvient pas à bien se nourrir, alors que c'est un enjeu majeur ? 

Sur la planète, il y a 850 millions de gens qui ont des difficultés à se nourrir, et ça a augmenté après le Covid. Mais il est évident que la qualité alimentaire et la question de l'insécurité alimentaire, ce n'est pas seulement le fait de mourir de faim. Dans nos sociétés, ça n'arrive quasiment pas, mais par contre, le fait de mal se nourrir, oui. L'alimentation en 1960, c'est 29% du budget des ménages, aujourd'hui, c'est à peu près 17% du budget des ménages. Pourquoi ? Parce que le logement, qui représentait à peu près 24% en 1960, représente autour de 31%.

Les transports qui étaient de 11% représentent 14%. Et surtout les loisirs. Les vacances, on est passé de 3 à 10%. Ça veut dire qu'on a changé de mode de vie, Ça veut dire qu'on a des logements plus grands, plus confortables, on est beaucoup plus nombreux à vivre tout seul. Donc forcément, on est 9 millions à vivre tout seul, en 1962, c'était 4 millions.

C'est le mode de vie qui a changé. L'alimentation a changé de place. Et puis une chose : on ne sait plus cuisiner. Ce savoir s'est perdu. Or, il faut réapprendre à cuisiner. Une de mes grandes revendications, c'est qu'on remette les cours de cuisine à l'école, moi, j'en avais, je trouvais ça très bien parce que ce qui coûte quand même moins cher, c'est d'aller sur le marché et de cuisiner son plat, notamment de légumes. Je ne suis pas sûr que le budget alimentaire va augmenter. Mais je pense que le savoir alimentaire peut se redévelopper.

60% des gens des jardins, 40% des gens qui ont un jardin ont un potager. Il faut le mettre dans les calculs aussi, notamment dans la France du Nord et dans la France de l'Est, où il y a de vieilles traditions populaires. Regardez dans les corons, j'allais dire chaque mineur avait son potager. Parce que l'alimentation, c'est aussi savoir produire, savoir cuisiner et puis bien sûr aider les plus fragiles. Moi, je suis très favorable aux chèques alimentaires. Je regrette si on ne le fait pas, parce je pense que, y compris parce que ça permet un achat direct auprès des producteurs, il faut sanctuariser le monde agricole, il faut le protéger. Et de l'autre côté, il faut aider les plus faibles à se nourrir.

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