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Jean Viard : "L'abolition de la peine de mort, oui c'est un acquis, mais la bataille doit toujours continuer, l'histoire nous apprend qu'il n'y a pas d'acquis définitifs"

Emmanuel Macron était aux côtés de Robert Badinter ce 9 octobre 2021, au Panthéon, à Paris, pour les 40 ans de l'abolition de la peine de mort en France. Avec le sociologue Jean Viard, dans "Question de société", nous revenons sur cet acquis, cette loi qui a promulgué l'abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981. 

Article rédigé par franceinfo, Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Robert Badinter, ministre de la Justice, prononce son dernier plaidoyer contre la peine de mort le 17 Septembre 1981. (LAURENT MAOUS / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

Aujourd'hui, 9 octobre, jour anniversaire, nous évoquons avec le sociologue Jean Viard les 40 ans de la loi promulguant l'abolition de la peine de mort.

franceinfo : Cette mesure est aujourd'hui inscrite dans le marbre, on peut dire ça, mais ce n'était pas gagné d'avance ? 

Jean Viard : C'est l'une des très grandes réformes importantes, portée comme on le sait par Robert Badinter. C'est 1981, c'est le pouvoir de François Mitterrand, toute cette époque. C'est une bataille ancienne, si on se rappelle les livres de Victor Hugo sur la peine de mort au XIXe siècle. Voilà, l'abolition de la peine de mort, c'était vraiment perçu comme un geste d'un profond humanisme. 

Et je crois que pour des gens de ma génération qui avons vécu cette époque, ça a donné à toute cette période - aux 14 ans de gouvernement de François Mitterrand - une image humaniste, au-delà, je dirais des problèmes qui a pu avoir, etc. Ça l'a teinté d'un air humaniste et d'une rupture culturelle extrêmement profonde, parce que dans l'histoire d'un pays diminué, interdire la peine de mort, c'est dire que même le pire des assassins ne mérite pas que le droit le tue.

Ça veut dire qu'au fond, la vie n'appartient pas à l'État, n'appartient pas au droit. On ne peut pas l'enlever, l'assassin n'a pas le droit de le faire, bien entendu, mais au fond, l'Etat non plus. Et depuis l'abolition de la peine de mort, les meurtres ont diminué par deux en France. On dit souvent la peine de mort, d'accord, c'est pas bien, mais c'est efficace en termes de la peur que ça crée chez les assassins. Mais en fait, c'est faux parce qu'en France, le nombre de morts a diminué par deux depuis 1981. Même si il y a une légère augmentation, c'est vrai dans la jeunesse, dans les milieux, autour du marché de la drogue. 

Et la peine de mort recule année après année de territoire en territoire, certains états des États-Unis abolissent peu à peu aussi ces mesures. En France, on n'imagine pas revenir sur cette mesure. Pourtant, c'est une question qui revient dans le débat politico-médiatique régulièrement, comme s'il y avait une quelconque possibilité d'abolir l'abolition. 

Oui, c'est-à-dire que dans une pensée de droite dure, l'abolition de la peine de mort n'est pas acceptée. Au fond, c'est d'ailleurs très proche des gens qui sont contre le droit à l'avortement. C'est pour dire : il faut faire attention, on a toujours l'impression que c'est des acquis définitifs. Et l'histoire nous apprend qu'il n'y a pas d'acquis définitifs, parce qu'il y a toujours des forces contre, parce que c'est toujours une façon de galvaniser le peuple sur des instincts de vengeance, etc.

Et donc, je crois que c'est pour ça que je mets la question dans le même débat que sur l'avortement qui est en ce moment recule à pas mal d'endroits en France, grâce à Dieu, la liberté des femmes de choisir. Et au fond, l'abolition de la peine de mort, oui, c'est un acquis, mais rien n'est vraiment inscrit dans le marbre.

La bataille doit toujours continuer. On doit toujours rappeler qu'effectivement, ce n'est pas efficace, que c'est totalement immoral, etc. Faudra toujours le répéter. Il y aura toujours des forces portées par des mouvements d'extrême-droite, par des gens qui veulent effectivement cliver la société française, opposer les gens les uns aux autres, etc. Qui seront toujours à l'affut pour essayer de la rétablir. Je pense qu'on ne la rétablira pas, mais je ne mettrai pas ma main à couper.

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