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"La pandémie a rapproché les familles : les questions monétaires, de solidarités et de la bataille climatique, sont en train de mobiliser tout le monde", estime Jean Viard

Dimanche 5 mars, c'est la fête des grands-mères. 36 ans qu'on les fête. L'occasion de s'interroger sur les liens qui unissent aujourd'hui les générations Y et Z. La génération Y née entre 1980 et 2000, et la génération Z, née à partir de l'an 2000.
Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
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Publié Mis à jour
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Pour le sociologue Jean Viard, "Les générations sont beaucoup plus proches, elles communiquent beaucoup plus, notamment par les femmes et les filles, et on est beaucoup plus complices avec nos enfants." (Illustration) (MORSA IMAGES / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

À l’occasion de la fête des grands-mères, le regard du sociologue Jean Viard sur les liens entre générations et leur évolution actuelle. On célèbre depuis 36 ans la fête des grands-mères. Quels sont les liens qui unissent aujourd'hui les générations Z et Y avec leurs grands-parents. On parle des 20/40 ans, sur fond de crise climatique, économique, de questionnements sur l'identité.

franceinfo : On a le sentiment qu'il y a une cassure, des reproches entre ces générations. Est-ce que c'est quelque chose qu'on a déjà observé dans notre histoire ? 

Jean Viard : Je serai moins radical que vous. En plus, on a son premier enfant à 30 ans et 9 mois. Il y a aussi que les générations ont beaucoup changé. On a une très, très longue jeunesse, et puis après, on a des enfants, et les grands-parents font la moitié des gardes. Ils gardent autant les petits-enfants, quasiment, que les tatas. Donc, il faut bien voir qu'il y a une énorme solidarité, quand l'enfant paraît. Puis, il y a une autre solidarité, quand on est vraiment très, très vieux. Donc, c'est pour ça que je suis plus prudent que vous.

Moi, j'ai vécu la période de 68. Les écarts étaient gigantesques. C'était le pouvoir du père sur la femme, et sur la famille. C'était le pouvoir du président, c'était le pouvoir du patron. On était dans des sociétés extrêmement hiérarchisées, et les écarts culturels étaient gigantesques. Au moment de l'arrivée de la pilule, par exemple, les écarts de comportement étaient gigantesques. Donc, faisons attention. Je pense que les générations sont beaucoup plus proches, qu'elles communiquent beaucoup plus, notamment par les femmes et les filles, et qu'on est beaucoup plus complices avec nos enfants.

Après, il y a une deuxième question, c'est effectivement la crise climatique. Est-ce qu'il y a des fautifs, parce qu'évidemment on a déréglé la nature, et forcément, ça a été déréglé par le travail des générations précédentes. Là, il y a différents points de vue. Moi, mon point de vue, c'est que la révolution industrielle a été un moment historique considérable de la conscience humaine et de l'espérance humaine. On a presque doublé notre espérance de vie. On est beaucoup moins malade, on voyage, les mamans ont le nombre de bébés qu'elles veulent, etc.

Moi, comme sociologue, mon indicateur, c'est tant que la vie augmente et que les mamans ont le nombre d'enfants qu'elles veulent, c'est une société qui marche bien. Mais, c'est vrai qu'il y a des conséquences qu'on ne connaissait pas, ou qu'on a sous-estimées, parce que les romantiques, déjà au XIXe siècle, ils s'inquiétaient de la prédation sur la nature. Mais il y a des conséquences. La vraie question, c'est : on a une guerre climatique à mener, qui va mobiliser une ou deux générations. Une guerre gigantesque pour non seulement se protéger du réchauffement climatique, mais surtout pour reprendre la main sur la nature.

Ce qui se passe, c'est que la nature a pris la main sur l'histoire. Depuis 150 ans, ce sont les hommes qui font l'histoire avec la révolution industrielle, les nouvelles techniques, le nucléaire, les voitures, les pollutions, etc. On a bâti une société du progrès, et après, on s'est engueulés pour savoir comment on répartissait le progrès, entre le capital et le travail, l'ouvrier et le patron, pour donner dans l'image d'Epinal.

Aujourd'hui, ce n'est plus nous qui faisons l'histoire, c'est la nature. Le réchauffement, les incendies, la vitesse du réchauffement. C'est l'homme qui a déclenché le fourneau, si l'on peut dire, et maintenant il y a un embrasement qu'on ne tient plus. On va reprendre la main.

Justement sur cette question-là, il y a là une vraie différence d'approche, sur ce sujet entre générations…

C'est difficile de dire ça, vous savez, parce que les personnes âgées sont très proches de leurs petits-enfants. Et au fond, ce sont ces petits-enfants qui vont le plus vivre la crise climatique. Donc, que les jeunes aient une forme d'angoisse différente, quand 37% des jeunes filles diplômées disent qu'elles ne veulent pas faire d'enfants, ça montre bien qu'elles ont l'impression d'être devant un mur. Il y en a d'autres, c'est le grand remplacement, leur angoisse.

Donc, il y a deux grandes angoisses : grand réchauffement, grand remplacement. Le grand remplacement est plutôt un mythe, mais bon. Alors que les générations précédentes n'ont pas connu ça. Moi je n'ai jamais été inquiet du chômage et j'ai été chômeur deux fois. Mais ce n'était pas grave, ce n'était pas une angoisse. On n'a jamais calculé combien on faisait d'enfants par rapport au climat, etc.

Les enjeux ont changé, ça c'est vrai. Mais après, est-ce que les familles sont solidaires ? Moi, je pense que les familles sont solidaires. Vous savez, il y a 17 milliards d'euros qui passent tous les ans, des grands-parents aux petits-enfants. Donc, on est dans une société où les questions monétaires, les questions de solidarités et la question effectivement de la bataille climatique, sont en train de mobiliser tout le monde. Et je pense que la grande pandémie a beaucoup rapproché les familles, et que l'enjeu, ce n'est pas de dire : c'est de ta faute, c'est de dire, comment on va gagner la bataille ensemble.

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