"On oublie trop la famille dans la gestion administrative des transports à Pâques, le cœur des liens sociaux, c'est la famille", estime Jean Viard

Avec le sociologue Jean Viard, on évoque aujourd'hui ce weekend pascal et les vacances de Pâques en trois zones. Moment familial de tradition, moment de consommation aussi avec les œufs et le chocolat.

franceinfo : Finalement, en quoi est-ce que Pâques diffère de Noël ? 

Jean Viard : Pâques en fait, c'est un mois après l'équinoxe de printemps, et Pâques, ça veut dire passage, alors que Noël, c'est une naissance. Et ça veut dire passage avant le monde chrétien. En fait, Pâques, c'est le moment où les Juifs ont quitté l'Egypte et ont traversé la mer Rouge pour rejoindre Israël. Et au fond, c'est le grand passage géographique qui a permis la libération des esclaves juifs.

Et ensuite, effectivement, les chrétiens ont repris la date, et le fait que c'était un mois après l'équinoxe de printemps. Pour eux c'est le passage, c'est la résurrection  pour les chrétiens, la résurrection du Christ qui est pour eux leur fête principale. 

Jésus est un prophète dans toutes les religions en même temps, y compris chez les musulmans. Mais effectivement, l'idée de la résurrection est une idée très proche, particulièrement chrétienne et c'est cela l'acte fondateur, parce que Jésus soit né, tant mieux pour lui, mais c'est vrai pour chacun d'entre nous, c'est la différence.

Pâques, c'est en fait ce rite de passage, et ce rite de passage, comme avant, il y avait le carême qui correspond aux 40 jours avant Pâques, on ne mangeait pas des tas de choses – c'est un peu comme le ramadan chez les musulmans – et le carême, l'Église avait décidé au Moyen Âge que pendant le carême, on devait se priver d'oeufs, et donc on accumulait les oeufs, et comme on savait pas quoi faire, on dessinait dessus. C'était devenu des objets de décoration. En fait, c'est comme ça qu'est né l'œuf de Pâques. Et puis, au XVIIIe siècle, on a eu l'idée de le remplir de chocolat.

Donc, il y a toute une histoire, mais qui dure sur 3000 ans, et qui nous mène au fond, de l'équinoxe de printemps, l'arrivée des printemps, les fleurs, l'amour etc., et puis de l'autre côté, ces rituels religieux de passage du monde chrétien et juif. 

Pour les Français, Pâques, c'est souvent des vacances familiales et un moment de famille, mais tout le monde n'est pas en vacances en même temps en France, il y a, il y a des questions de zones, ce qui n'est pas le cas à Noël ? 

Et je ne trouve pas ça très finaud, parce qu'on oublie que le cœur des liens sociaux, c'est la famille, et que la plupart des familles ne sont pas dans la même zone scolaire. Noël, c'est bien, parce qu'effectivement, on peut réunir la famille, parce qu'on est tous en vacances en même temps. Le ski en février : on peut comprendre les intérêts économiques qui font qu'effectivement, la neige n'est pas là extrêmement longtemps. Dans les montagnes, on répartit la clientèle pour faire tourner le business, il y a des milliers d'emplois à la neige, donc ça peut se comprendre.

Pâques honnêtement, je ne comprends pas très bien : je serais pour des vacances de Pâques où on peut se réunir ensemble, toutes les familles réunies pour cette période, sans que ce soit compliqué parce qu'il y en a qui sont en zone A, zone B, zone C. Je pense qu'on oublie trop la famille dans la gestion administrative des transports et on peut le dire, je crois, tranquillement. 

Dans les grandes lignes, ces vacances de Pâques, c'est des déplacements plus courts, justement chez la famille ? 

En gros, on ne part pas à Pâques, pour le dire simplement, alors il y a quand même 3 millions et demi de familles qui ont une résidence secondaire et qui souvent fêtent Pâques dans la résidence secondaire. Surtout, il y a deux modèles de résidences secondaires, il y a celles qui sont, disons, à deux heures d'une ville, pour Paris, c'est la Bourgogne, la Normandie, puis les résidences secondaires, le studio au ski, au bord de la mer, ce sont deux modèles très différents.

Je parle des résidences secondaires, du très grand péri urbain, à Marseille, c'est le Luberon, les Alpilles, le Haut-Var, le Verdon, c'est pareil pour Lyon et évidemment, les grandes métropoles. Donc effectivement, ces gens là font Pâques dans leur résidence secondaire, mais sinon les autres restent chez eux et en fait, ils achètent du chocolat. Mais je vais vous dire honnêtement, je pense que beaucoup de gens mangent du chocolat sans très bien savoir d'où vient cette tradition.