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Parcoursup : "On a inventé une machine autoritaire et assez inhumaine, les lycéens sont plus stressés par Parcoursup que par le bac", estime Jean Viard

Comment les étudiants s’inscrivent-ils dans notre société, et de quelle manière choisissent-ils aujourd’hui leur parcours ? Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Atelier "projet motivé" avant la fin de Parcoursup à destination des lycéens, pour les aider dans leurs choix de formation, organisé par le CIO, le 29 mars 2023, à Colmar. (Illustration) (HERVE KIELWASSER / MAXPPP)

Soulagement, frustration ou questionnements, tous ces sentiments se sont mêlés jeudi soir, 1er juin, quand les inscrits à Parcoursup ont reçu les premières réponses du dispositif, ce système de répartition des étudiants dans les différentes branches de l'enseignement supérieur. Nous parlons de ces étudiants avec le sociologue Jean Viard.

franceinfo : Le rapport au monde du travail a beaucoup changé en quelques années. Est-ce qu'on a en revanche le même rapport qu'avant aux études ? 

Jean Viard : Il y a plus de 900.000 jeunes qui sont en train de passer par Parcoursup, et qui ont commencé en janvier, c'est très long comme procédure. Puis à côté, y a notamment les apprentis, c'est beaucoup repris les apprentis, c'est une des raisons d'ailleurs du recul du chômage. Donc la question d'avoir de plus en plus d'étudiants et de savoir comment ils accèdent à l'enseignement supérieur est une question extrêmement compliquée.

Certains étaient déjà présélectionnés, les étudiants en médecine, les étudiants des BTS et les grandes écoles... Là, il y avait déjà une sélection très forte, mais le discours en France a toujours été : nous ne sélectionnons pas, l'étudiant choisit. De fil en aiguille, on a inventé une énorme machine qui s'appelle Parcoursup, relativement autoritaire, il y a un certain choix, mais assez faible.

Moi, j'ai passé le bac en 68, donc forcément, c'était pas la même époque. Donc, j'ai le sentiment que, y avait un problème, c'est qu'il y avait une masse énorme de jeunes, par exemple une année, il y a en a 50.000 qui veulent faire psycho, comment on fabrique les professeurs ? Comment on allait faire ? On a inventé cette machine. Moi je la perçois comme autoritaire, et assez inhumaine et au fond, ils sont plus stressés aujourd'hui par Parcoursup que par le bac. C'était quand même pas l'objectif. 

Est-ce que ce moment-là, où on choisit notre orientation, nos études, est toujours aussi fatidique, alors qu'on répète régulièrement qu'on ne fera pas un seul métier tout au long de notre vie ?  

Mais c'est ça qui m'embête. J'ai conclu des rencontres économiques dans une université, il y a trois ans, et un étudiant après mon intervention, se lève, et me demande : je suis étudiant dans cette université, est-ce que vous avez un conseil à me donner pour mon orientation ? Et je lui ai répondu : faites un CAP de plombier, pour compléter votre formation, parce que votre vie de demain, vous ne savez pas où elle va se situer.

Et ça, c'est fondamental, parce que ChatGPT va augmenter encore le nombre de cols blancs qui vont disparaître parce que ChatGPT ne va toucher ni la création, ni les mains qui travaillent, ni non plus ceux qui décident, mais elle peut toucher les niveaux intermédiaires. Il me semble que l'enjeu pour un jeune aujourd'hui, c'est d'avoir des formations suffisamment éloignées, pour pouvoir saisir le réel d'un monde totalement inattendu, dans lequel nous entrons. 

Il faut avoir une connaissance d'un métier manuel, c'est ça que vous nous dites, puisque les métiers intellectuels, si on peut dire, vont être remplacés par l'intelligence artificielle ?  

Certains métiers intellectuels... Non, c'est aussi que je pense qu'en France, on a trop sous-estimé les métiers manuels, or ce sont des métiers où on apprend énormément de choses, des métiers où on crée avec ses mains, et en France, c'est vrai qu'on a tout valorisé sur les métiers des cols blancs. Je pense qu'on est allé beaucoup trop loin, que les métiers manuels, sont des métiers qui peuvent être merveilleux, où on peut se réaliser, donc je pense que des jeunes qui auraient un pied dans le manuel et peut-être deux pieds dans l'intellectuel, ce serait des jeunes qui seraient mieux formés. 

Les études restent importantes néanmoins pour l'accès au monde professionnel ?

Les études restent très importantes. Alors évidemment, ce n'est pas le seul chemin. La famille est aussi un réseau. Par exemple, où est-ce qu'on trouve un travail ? Avant Pôle emploi, il y a les réseaux familiaux, il ne faut pas se le cacher. Et puis il y a l'apprentissage, oui, il faut apprendre, d'une manière ou d'une autre. Après, il y a des transmissions familiales. Souvent, les médecins sont des fils de médecins, les paysans sont des fils de paysans, et on apprend aussi, à la table quotidienne, on apprend le dimanche, on apprend en voyant travailler ses parents...

Il y a différents lieux de l'apprentissage, mais il est clair qu'on est dans une société numérique, où il faut être à l'aise sur l'informatique, dans l'écriture, il faut aussi être bilingue, on est dans cette société de mobilité, de transformation, d'innovation, une société dont on ne connaît pas les formes dans les 10, 20 ou 30 ans avec la révolution écologique donc armons-nous pour gérer cet aléatoire et être tout le temps prêt à s'y adapter.

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