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Rentrée des enseignants : "Des métiers où il n'y a pas d'aventure professionnelle possible, il faut les transformer parce que ça casse le désir d'y aller"

"Question de société", le rendez-vous du weekend avec l'écrivain et sociologue Jean Viard, qui s'interroge aujourd'hui sur la rentrée des professeurs. 

Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Quelle rentrée pour les enseignants ? "La revalorisation de ces métiers, ce n'est pas qu'une question de revenus, c'est aussi remettre les enseignants dans la hiérarchie de la société", souligne Jean Viard.   (LIONEL VADAM  / MAXPPP)

C'est le premier week end de la rentrée et de la rentrée scolaire notamment. Les élèves ont connu leurs deux premiers jours de classe jeudi et vendredi. Le gouvernement assure que cette rentrée se passe bien, même s'il manque toujours beaucoup d'enseignants puisqu'il y a plus de 4000 postes non pourvus en cette rentrée. Mais il y a le recours aux contractuels, 3000 personnes embauchées par l'Etat en cette rentrée, elles ont été formées en quelques jours avant d'être mises devant les élèves.

franceinfo : Jean Viard, comment vous expliquez ce désamour pour ce métier, aujourd'hui ? 

Jean Viard : Je crois qu'il y a plusieurs causes. Évidemment, il y a la question du salaire. Mais quand on regarde un article dans le quotidien Le Monde en Allemagne, les salaires sont le double. Il leur manque autant de profs, donc l'argent, ça joue, mais ce n'est pas le seul critère. On est dans une société de discontinuité, c'est-à-dire qu'en gros, la vie s'est allongée. On change plus souvent de partenaire amoureux, de métier, de maison, de convictions politiques, etc.

Or, enseigner, c'est un métier. Effectivement, vous allez en prendre pour 40 ans, sans beaucoup de chance de promotion. Si vous avez votre Capes d'histoire géo, (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) 40 ans après, vous serez toujours prof d'histoire géo avec un salaire de Capes. 

Au fond, il n'y a pas de promotion, il n'y a pas de discontinuité dans l'aventure. Et il me semble qu'on est dans une époque où nos vies, on a envie que ce soit des aventures, parce que ce n'est pas que l'enseignement, la fonction publique peine à trouver des personnels. Donc des métiers ou il n'y a pas d'aventure professionnelle possible, il faut les transformer, parce qu'au fond, ça casse le désir d'y aller. 

En quoi le profil des contractuels récemment embauchés est différent de celui des enseignants qui passent les concours ? 

Ils ont souvent eu des responsabilités dans des entreprises, dans le tissu économique, et ils ont l'habitude d'animer des réunions. Le fond de ma pensée, c'est que c'est un très beau métier à faire à 40 ans, enseignant, comme deuxième partie de vie. Quand on a des choses à donner aux enfants, et pas simplement ce qu'on a appris à l'école, des expériences en entreprise, des expériences artistiques, des expériences de voyages, etc, il y a toute une réflexion au fond à faire sur ces métiers.

Donc j'insisterais sur l'enrichissement que cela amène, même si dans certains cas, il doit aussi y avoir des gens inadaptés en face des classes. Il n'y a pas que le diplôme qui permet d'accéder à ces métiers. Essayons de voir ça aussi comme un enrichissement. En France, on a souvent aussi des difficultés à créer tous les petits métiers autour de ces enseignants, pour justement qu'ils soient concentrés sur l'enseignement, sur le rapport aux élèves, alors qu'ils ont une multitude de tâches administratives qui en fait prennent une partie de leur emploi du temps. 

Le ministre de l'Education, Papa Ndiaye, a promis qu'aucun enseignant ne commencerait sa carrière à moins de 2 000 euros nets par mois à partir de la rentrée 2023. Vous soulignez aussi l'importance d'une rémunération correcte pour les fins de carrière ? 

Les enseignants ont énormément baissé en matière de salaire depuis 30 ans. Mais si on prend le rapport au SMIG, ils n'ont pas diminué par deux mais presque, il y a une dévalorisation du salaire qui entraîne aussi une dévalorisation de la reconnaissance sociale, y compris vis à vis des parents des élèves. L'enseignant gagne parfois moitié moins ou le tiers du parent d'élève.

Le salaire, c'est aussi une reconnaissance symbolique et c'est une question de position sociale. Donc la revalorisation, ce n'est pas qu'une question de revenus, c'est aussi remettre les enseignants dans la hiérarchie de la société. Ce sont des cadres à qui nous confions nos enfants, et ce n'est pas un service de garderie. A un certain moment, on avait un peu confondu éducation et garderie, et c'est une grosse erreur. 

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