Transports : "On est devenu une société de mobilité, on ne s'est jamais autant déplacé, c'est ça qu'il faut comprendre", souligne Jean Viard
C'est les vacances, et les déplacements des Français en train, en voiture et en avion, coûtent de plus en plus chers, et aussi les péages, sur les autoroutes. Un exemple frappant, c'est celui de la future autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Le prix du péage sera de 17 euros l'aller et retour, pour un tronçon de 53 kilomètres.
franceinfo : Pourquoi nos déplacements coûtent-ils de plus en plus cher ?
Jean Viard : D'abord parce que fabriquer une autoroute, ça coûte cher. Cette autoroute fait un peu débat parce qu'elle est courte. Mais quand vous prenez le train, souvent, c'est encore plus cher. La question de fond c'est que l'autoroute, il faut la penser comme un train, alors qu'on a tendance à la penser comme une route, qui elle, est gratuite, donc on y va tous autant qu'on veut. L'autoroute, ça fonctionne comme un billet de train, ça signifie qu'il n'y a que les usagers qui payent – si ce n'est pas les usagers, ce sont nos impôts.
La deuxième question, c'est qu'on ne s'est jamais autant déplacé : les trains sont tout le temps bondés, les autoroutes sont de plus en plus chargées, parce que la société est de plus en plus mobile. On fait 70 kilomètres par jour, et par Français de plus de trois ans. On en faisait 5 kilomètres il y a 50 ans. La société est devenue extrêmement mobile parce que la moitié des Français habitent en dehors des villes mais autour des villes, donc aller travailler, c'est assez loin. Ajoutons que 60 à 70% des gens partent en vacances, et beaucoup de gens partent en week-end. Et avec les vacances scolaires, quand la plupart des parents travaillent, beaucoup d'entre eux conduisent les enfants chez les grands-parents.
Mais il faut bien se dire que le kilomètre parcouru sur 50 ans, n'a pas augmenté, contrairement à ce qu'on pourrait penser – on a un peu oublié comme l'essence était plus chère. Donc les véhicules roulent de plus en plus longtemps, on fait couramment 300.000 kilomètres avec une voiture. Alors que quand j'étais jeune, 100.000 kilomètres, ça semblait un chiffre absolument indépassable. On est devenu une société de mobilité, on se déplace pour des tas de raisons différentes, et c'est ça qu'il faut comprendre.
Il y a le train aussi qui est un moyen de transport plus respectueux de l'environnement, mais pour relier certaines villes, je pense à Paris-Toulouse par exemple ou Paris-Nice, l'avion est moins cher que le train, et il va plus vite, alors pourquoi les voyageurs accepteraient de payer plus; pour aller moins vite ?
Même Paris-Marseille, je faisais souvent le trajet en avion, il y a quelques années, mais je ne le fais plus. Oui, c'était moins cher et surtout, c'est moins cher quand vous avez plus de 65 ans, ça pousse les retraités à prendre l'avion. Pourquoi est-ce qu'on est en train de faire un train à grande vitesse de Bordeaux à Toulouse ? C'est parce que 3h de trajet environ, on les accepte en train, parce que par rapport à l'avion, c'est à peu près équivalent avec les trajets aéroports, métro, etc. Donc le but c'est que les grandes villes soient à 3h de Paris, et c'est ce qu'on est en train de réaliser pour Toulouse, même s'il y a quelques écologistes qui ne sont pas d'accord.
Je pense qu'il y a une durée du trajet : l'idéal c'est 2h ; prenez Bordeaux, Lyon, Lille, c'est 2h ou moins de 2h. Bruxelles, c'est 1h30. On est presque dans du grand périurbain quand on est à moins d'une heure ou à 1h. Quand vous faites Lille-Paris, c'est presque comme si vous alliez en Seine-Saint-Denis. Donc il faut bien comprendre qu'on a construit nos vies sur ces mobilités, et le télétravail, c’est-à-dire le quart des salariés, a tendance à augmenter ces mobilités parce qu’un des objectifs du télétravail, c'est d'aller habiter un peu plus loin du cœur des grandes villes pour avoir une maison moins chère, plus grande, avec un jardin. Donc on a là un effet d'augmentation aussi des transports.
On évoque souvent sur franceinfo la question des prix dynamiques, ces tarifs qui augmentent ou qui baissent en fonction de l'offre et de la demande. Les périodes de vacances scolaires sont les plus demandées, donc les prix flambent, mais certains ne peuvent partir qu'à ces moments-là, et ce sont eux qui payent le prix fort ?
Mais bien sûr, ça pose un vrai problème cette culture du prix qui évolue, on n'y est pas habitué, je trouve ça un peu insupportable à titre personnel, mais je comprends comment ça fonctionne, ça signifie que pour les familles notamment populaires, qui partent au moment des vacances contraintes, effectivement, c'est une charge supplémentaire.
Une de mes vieilles revendications, c'est qu'on ait droit à une semaine de vacances n'importe quand avec ses enfants, en dehors des heures scolaires, à la place d'une semaine de vacances de février, des vacances qui sont très peu utiles aux enfants qui ne vont pas à la neige, mais cela permettrait aux gens de partir n'importe quand avec leurs enfants, et justement à des prix beaucoup plus bas.
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