Si j'étais... François Bayrou
Karl Zéro s'imagine ce matin dans la peau de François Bayrou, le leader du Modem.
Si j’étais François Bayrou, je vous avoue que je me fatiguerais moi-même. Je parle beaucoup en ce moment, énormément même, mais toujours pour ne rien dire. Je mets nos auditrices et auditeurs au défi de vous dire ce que j’ai dis récemment. S’ils ont compris, c’est qu’ils souffrent de délire d’interprétation, car je ne dis rien.
Parfois, rentré à la maison après une émission, je réécoute mon intervention, et je dois reconnaître que même moi, je ne comprends rien, pas un traître mot ! Je mets un point d’honneur à rester dans un flou absolu que l’on peut qualifier d’artistique, tant je suis passé maître dans l’art de meubler le silence avec des mots tous plus vides de sens les uns que les autres.
Nonobstant, j’aurais pu comprendre que le "flou artistique" n’est plus de mise, si l’on en juge par le tragique destin de David Hamilton. Et pourtant non, car hélas, si j’étais François Bayrou, je ne me referais pas. Flou un jour, flou toujours. Mon problème, c’est que ce flou, il m’a très bien réussi, un temps.
En 2007, bien que la sainte patronne de l’UDF Madame Simone Veil ait dénoncé ma candidature comme une "imposture", ajoutant judicieusement que j’étais "le pire de tous", j’ai quand même obtenu 18,57 % des voix au premier tour de la présidentielle. Et toc !
Je porte la poisse aux candidats qui m'approchent
J’ai été intronisé troisième homme, j’ai chopé la méga-pastèque, j’ai fondé le Modem, et je ne suis jamais redescendu de mes cimes béarnaises. Mon entourage, qui me sert aussi de parti, est composé essentiellement, je vous le rappelle, de Mme Marielle de Sarnez, de madame mon épouse, de mes six enfants, d’amis et de voisins. Aucun d’entre eux n’a osé me dire depuis que "tout ça, c’est du passé", et que ce que je dis, tout le monde s’en branle.
Je pense même que si Juppé s’est fait dégager aussi vite, c’est parce que j’étais dans le coup. Je porte la poisse ! Heureusement, comme on est dans une formidable société du spectacle où il faut bien trouver des invités aux innombrables émissions politiques, je resurgis en permanence, tel le monstre du Loch Ness, mais en moins crédible. Je continue à pérorer comme si j’étais toujours à 19%, pour donner mon sentiment. Sur tout, sur rien. Enfin surtout sur rien.
Mon carnet de rendez-vous est plein
Si j’étais François Bayrou, ça me ferait du bien d’être ce matin sur franceinfo, ça me permet de libérer ma conscience. Hier, par exemple, j’ai rencontré en secret François Fillon. Je lui ai parlé au moins une heure, je lui ai dit que son projet ne pouvait ni rassembler, ni assurer l’alternance, qu’il était trop libéral et qu’en plus il était méchant avec les petites gens.
A la fin, bien entendu, je lui ai fait comprendre que s’il me promettait Matignon tout de suite, et qu’il me signait le papier que j’avais amené, là je réviserais mon jugement. Et que s’il parvenait au second tour, j’envisageais peut-être d’appeler à voter pour lui, et de lui apporter mes 19% d’électeurs modemiens. Alors, il a appelé la sécurité et deux molosses m’ont foutu dehors.
Mais je m’en fous: mon carnet de rendez-vous est plein. Je dois encore aller voir Macron et Valls, et après si personne n’a signé mon papier, je me présenterai pour la quatrième fois.
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