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Si j'étais... François Mitterrand

François Mitterrand aurait eu 100 ans mercredi 26 octobre. Anne Pingeot vient de sortir un livre constitué des lettres d'amour que lui envoyait François Mitterrand. Karl Zéro se met dans la peau de l'ancien président de la République et écrit des lettres en son nom.

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié Mis à jour
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François Mitterrand, président de la République, le 13 mars 1990 à Cercy-la-Tour dans la Nièvre. (GERARD CERLES / AFP)

Si j’étais François Mitterrand, je l’aurais dit avant de partir : " Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ! ". Dès lors, puisqu’Anne, l’amour de ma vie, a jugé bon de publier chez Gallimard les quelques 1 218 lettres d’amour que je lui adressé entre 1962 et 1995, pourquoi ne pas publier… les autres ?

Celles que j’ai écrites après mon passage de l’autre côté de la rive, expédiées de cet au-delà d’où je surveille, d’un oeil toujours amusé, les convulsions d’un Parti socialiste moribond faute d’union de la gauche, d’un Front national triomphant que j’ai en quelque sorte créé, ou de ces Républicains qui n’ont qu’une très vague idée de ce que c’est que la République ? Je vous en livre quelques extraits afin de mettre l’eau à votre bouche, si délicate, si finement ourlée mais je m’égare… Si j’étais François Mitterrand, je vous lirais, tiens, celle ci, envoyée hier :

" Cher, cher François, il est près de minuit. Assis à ma bonne vieille table de travail en pichepin que je suis parvenu à faire rapatrier de Latché au purgatoire, où je patiente depuis maintenant plus de 20 ans, je vous écris tandis que s'éteignent les dernières notes de notre chanson  ' Dans la vie faut pas s'en faire ". Souvent j'écoute ce chant. Parfois, Maurice Chevalier passe en personne me la fredonner.Nous évoquons alors le temps jadis, instants enfuis, bonheurs perdus, joie des congés payés, de la francisque. C’est loin, tout ça. Ce chant me parle de vous, François. Je pense qu'il vous ressemble, ou du moins, à un certain François, le plus secret, le plus vrai, le plus exigeant (et d'abord pour lui-même).  'Je n'ai pas un caractère… À me faire du tracas… Toutes ces petites misères… Seront passagères… Tout ça s’arrangera…'  J'aime que ce François-là existe encore, quelque part. Pour l’atteindre, il faut du silence et de la force, la force de le chercher et de le comprendre. Ce n'est pas commode. Surtout avec ce livre de conversations absurdes, de révélations bas de gamme.Ressaisissez-vous, François, prenez de la hauteur. Soyez-vous même, que diable, celui que rien ne ne peut entamer, celui qui s’en tamponne le coquillard, le François en toile cirée sur laquelle glisse les invectives, les rumeurs, et les crachats… "

Un courrier différent pour un destinataire...différent

Si j’étais François Mitterrand, je vous dirais cette autre missive, postée récemment, aux bons soins du Saint-Esprit, à mon ami Jean-Marie Le Pen :

" Chère vieille buse, j’ai posé votre photo devant moi, sur ma table de chevet. Celle de notre première rencontre, à Nevers, en 1955. J’ai aussi conservé celle de notre entrevue secrète de 81, quand vous vîntes me soutirer des parrainages, mais je préfère celle de 55 ! Vous aviez encore sur l’oeil ce bandeau, qui vous donnait cet air bravache de bat’ d’Af’, de vétéran des bataillons d’Afrique, une mine de pirate dessalé au schnaps. Ce soir j’ai allumé la lampe de mes veilles, et je pense à vous en vous contemplant au temps de votre splendeur, Jean-Marie, si tendrement qu'il n'est pas possible qu'en cet instant, votre cœur ne le sache pas. Entre pères, n’est ce pas, on se comprend, à mi-mots. J'ai le cœur brisé pour vous, Jean-Marie. Les statues des Saintes bretonnes qui jalonnent la lande pelée pleurent avec moi. Ce qu’aujourd’hui vous fait endurer votre benjamine est inqualifiable. Elle est loin, la charmante blondinette que je fis tant de foi sauter sur mes genoux, lorsque nous prenions le thé dans votre parc de Montretout. Si Mazarine avait, à mon égard, osé se conduire ainsi, en Brutus (ou plutôt en Bruta, si j’en crois mon Gaffiot) j’en aurait été ulcéré. Je vous trouve magnanime, grandiose même, l’âge venu. Gardez confiance. La médecine progresse à grands pas. Vous serez encore là en 2022, et votre heure sonnera… "

Voilà quelques bribes de ces lettres inédites. J’aurais le plaisir de revenir, si vous le souhaitez, vous en lire d’autres et plus si affinités. Vous faites quoi près l’émission?

 

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