Sous les projecteurs. Raymond Depardon, le cinéma pour transmettre
Photographe, réalisateur, journaliste... Raymond Depardon a plusieurs casquettes. Il est en ce moment au Festival de Cannes pour "12 jours", un film projeté hors compétition.
Il a endossé à peu près tous les costumes : journaliste pour l'agence Dalmas dès 1960, documentariste auprès des paysans dans La Vie Moderne, photographe de François Hollande pour sa photo officielle de président de la République en 2012... Aujourd'hui Raymond Depardon repasse derrière la caméra avec 12 jours, un film présenté hors-compétition au Festival de Cannes.
Douze jours. C'est la période durant laquelle un patient interné en hôpital psychiatrique, sans consentement, peut saisir un juge des libertés et de la détention. La loi date de 2013, mais l'intérêt de Raymond Depardon est bien plus ancien. Il pose donc sa caméra dans une pièce neutre de l'hôpital de Lyon-Le Vinatier, celle où le juge et le patient se retrouvent pour faire le point. "Il y a 100 000 personnes internées en hôpital psychiatrique sans consentement, affirme Raymond Depardon. Il faut peut-être poser quelques limites à ça, à l'aire où on vérifie tout pour qu'il n'y ait plus de zone d'ombres."
Des entrailles de la justice à l'hôpital psychiatrique
À l'écran, la souffrance, la démence, l'humour et le drame transparaissent avec un homme qui a tué son père dans un accès de démence, une femme qui réclame qu'on la laisse se suicider, etc. "Tout le monde a accepté d'être filmé parce que ça fait avancer la démocratie. Dans la psychiatrie ou la maladie mentale, il y a quelque chose de formidable parce que ce n'est pas un univers fermé", décrypte Raymond Depardon.
Depuis ses débuts, le cinéaste s'est intéressé à des thématiques difficiles, comme la justice avec le documentaire Faits divers. Une inclinaison qu'il ne s'explique pas : "A priori, j'ai eu une enfance plutôt heureuse dans une ferme de la vallée de la Saône. Je ne vois pas pourquoi je tourne toujours des films sur les hôpitaux psychiatriques ou le système judiciaire, explique le réalisateur. Je n'y ai jamais été confronté." Pourtant, il filme ces sujets pour les montrer, avant tout.
Je ne fais pas ces films parce que j'ai peur de devenir malade mais parce que c'est un élément important pour moi.
Raymond Depardonà franceinfo
Raymond Depardon filme des visages et des mots saisissants avec une neutralité absolue, sans juger ni intervenir. Il donne la priorité au vrai, au brutal, sans artifice. "Je ne dissimule pas ma caméra mais je n'interviens pas. Je suis visible, je reste à côté mais je ferais un formidable porte-manteau ou abat-jour..."
L'ancien photographe de guerre de 74 ans capture les instantanés d'une vie, d'une époque française. Un film assez proche de son Journal de France, réalisé en 2012 avec sa compagne et collaboratrice Claudine Nougaret. Ils parcourent alors le pays pour en saisir l'état. "Je choisis souvent des moments où les gens ont des choses à dire. Ils ne s'occupent plus de la caméra parce qu'ils ont une vraie raison de dire les choses", justifie-t-il.
Le cinéma pour transmettre
Raymond Depardon a quelque chose du caméléon : à l'aise partout, y compris dans la démesure du Festival de Cannes, alors qu'on n'y compte que peu de "vraies gens". Pour lui, le cinéma n'est qu'une grande famille, "qu'on fasse du documentaire ou de la fiction, ça ne change rien, on se demande toujours où placer la caméra", assure-t-il. "Le cinéma, c'est transmettre. Après, je suis plus sensible à la parole jetée. Je n'aime pas trop la mise en scène. Je préfère les gens bruts."
À Cannes, il se frotte au tapis rouge, aux flashs qui crépitent. "Peu importe, il faut que le film soit vu et il faut que les gens viennent dans les salles." En résumé, l'art n'est jamais le seul but pour Raymond Depardon. Que ce soit pour montrer la France ou militer contre les chambres d'isolement avec 12 jours, ces films font plus que montrer. Ils documentent.
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