Accord transatlantique de libre échange : l'opinion européenne contre la Commission
C’est un sujet dont on ne parle sans doute pas assez : le TTIP, ou TAFTA, c’est-à-dire l’accord de libre échange transatlantique qui se négocie entre l’Europe et les États-Unis depuis des mois.
Les négociations n'en finissent pas et de nombreux européens ne veulent même pas en entendre parler. Mercredi dernier, une pétition a été déposée sur le bureau de la Commission européenne à Bruxelles. Une pétition signée par plus de trois millions d’Européens en cinq mois.
On les a d’abord accusées de se faire dans le plus grand secret. Puis on les a accusées de faire la part belle aux entreprises en instaurant, en cas de conflit, des tribunaux arbitraux, où ne siègeraient que des professionnels, donc les grands groupes.
L’exemple qui fait peur, c’est la plainte déposée en 2010 par Philip Morris contre l’Uruguay, pour contester la politique de santé publique de l’État à l’égard du tabac. Une façon de passer outre la politique des États pour vendre là où l’on veut, et comme on veut. Mais l’Europe a finalement obtenu l’abandon de ces tribunaux arbitraux et la création d’une cour de justice spéciale avec de vrais magistrats qui garantiront le droit des États.
Et ce n’est pas tout, le marché américain ne semble guère prêt à s’ouvrir à l’Europe, du moins dans certains secteurs, au point que la France menace de se retirer des négociations. Le secrétaire d’état au commerce extérieur français, Matthias Fekl, estime que l’Europe n’a reçu aucune offre sérieuse des Américains. Ni pour l’accès à leurs marchés publics, ni pour l’accès aux marchés agricoles et agroalimentaires. Ce n’est pas vieux, la déclaration date de fin septembre.
Normalement, la pétition de "Stop Tafta" devrait déboucher sur ce qu’on appelle une initiative citoyenne, c’est-à-dire plus d’un million de signatures recueillies dans au moins sept pays de l’Union avec un seuil minimum de signatures par pays. Une initiative citoyenne pour faire entendre sa voix, c’est très encadré. Dans ce cas, on est largement au-delà des critères puisque la pétition a été signée par trois millions d’européens dans 23 États membres qui ont pratiquement tous atteint le seuil nécessaire. En théorie leur avis pourrait être pris en compte par Bruxelles, mais la Commission a dit NON parce qu’une initiative citoyenne est faite pour instaurer de nouvelles lois mais pas pour s’opposer à un texte en cours de négociations.
En 98, quand l’Europe avait tenté de négocier avec les États Unis l’AMI, l’accord multilatéral sur l’investissement, l’opinion publique européenne l’avait déjà mis en échec.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.