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Et si le Berry devenait chinois ?

La Chine vient de racheter 1.700 hectares de céréales dans le Berry, au nez et à la barbe de la Safer qui gère la cession et l’exploitation des terres agricoles. L’Empire du Milieu s’intéresse de très près à l’Europe et en particulier à la France.
Article rédigé par Lise Jolly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Délégation de l'industriel chinois Synutra, qui va bientôt ouvrir son usine de poudre de lait à Carhaix en Bretagne © PHOTOPQR/LE TELEGRAMME/MAXPPP)

Ce rachat de terres agricoles françaises, c’est une première. La Chine manque  de terres, seuls 9 % du territoire chinois sont consacrés à l’agriculture et ne peuvent nourrir qu’un habitant sur cinq. Investir à l’étranger est une nécessité. Cet investisseur chinois de Hong Kong a su tirer habilement profit de la législation en achetant 99 % des parts de ce domaine près de Vandœuvres pour échapper au regard de la Safer en faisant flamber les prix au passage.

En Bretagne, à Carhaix, les Chinois ont construit une usine géante de fabrication de lait en poudre. Ils achètent un million et demi de litres de lait breton chaque jour car il est moins cher, 307 € la tonne contre 500 € en Chine, et l’Empire du milieu se remet mal de plusieurs scandales alimentaires.

A Bordeaux, une centaine de châteaux sur 8 000 sont passés sous pavillon chinois et leur production est exportée presque entièrement vers Pékin. Selon la FNSEA, la Fédération des syndicats agricoles, ce rachat dans le Berry pose quand même la question de l’indépendance alimentaire de la France.

Il n’y a pas que l’agriculture qui intéresse la Chine dans l’Hexagone

Dans le tertiaire, il y a le projet Eurosity près de Chateauroux, sur l’ancienne base militaire de l’OTAN,  plus de 400 hectares dédiés aux starts-up, à la recherche-développement, à la haute technologie mais aussi au stockage de marchandises. Même type de projet en Moselle avec le projet Terra Lorraine, 25 millions de mètres carrés dédiés à la représentation en France de quelque 2 500 entreprises chinoises. Sans parler des entreprises déjà achetées ou dans lesquelles la Chine a des parts comme le Club Med, les hôtels Louvre, Marrionnaud, la compagnie Aigle Azur, l’aéroport de Toulouse, PSA, GDF Suez ou encore les marques dont la Chine a ressuscité le nom comme JVC et Thomson dans la télévision ou Alcatel pour les portables. La Chine s’intéresse depuis peu à l’Europe, et en particulier à la France,  et le mouvement s’accélère avec plus de 3,5 milliards investis l’an dernier. C’est un peu plus qu’au Royaume-Uni mais deux fois moins qu’en Italie.

C’est toute l’Europe qui est devenue la cible numéro un de la Chine

En 2000, les investissements chinois à l’étranger n’existaient pratiquement pas. En 15 ans, le pays a investi 18 milliards d’euros rien qu’en Europe l’an dernier. Cela va du complexe touristique en Islande, aux marques MG-Rover ou Volvo, en passant par le port du Pirée, de Barcelone ou Naples. La Chine a le porte-monnaie bien garni, l’Europe en crise est devenue une proie facile. Pékin n’est plus l’atelier du monde qui inonde la planète de ses produits bon marché. Sa politique économique a changé de cap. Désormais, la Chine veut stimuler la consommation des Chinois eux-mêmes. Elle veut aussi redorer son image, se positionner sur du plus haut, voir du très haut de gamme, et acquérir, en même temps que ses rachats ou prises de participation, un savoir-faire et un management que la vieille Europe peut lui transmettre. Avec à la clef, sur le vieux continent, bien sûr des milliards d’investissements, mais pas forcément les emplois qui vont avec.

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