Conflit ukrainien : la guerre économique va-t-elle remplacer l'offensive armée ?
Si
un membre du gouvernement peut être satisfait aujourd'hui, c'est Laurent
Fabius. Non pas que notre ministre des Affaires étrangères se réjouisse de passer
son temps dans les avions. Non. C'est qu'il voit son concept de
" diplomatique économique " prendre tout son sens. Diplomatie
économique la bien nommée ou comment, en amont, anticiper les tensions, gérer
les conflits pour, en aval, en tirer les bénéfices. Car, au fond, la question
est la suivante : la guerre économique va-t-elle remplacer l'offensive militaire ?
La guerre économique est-elle la nouvelle guerre froide qui opposa l'Est et
l'Ouest, de 1947 à la chute de l'empire soviétique en 1989 ?
Les
menaces émanent des 2 camps.
Chacun
y va de son coup de pression. " Les sanctions contre la Russie mèneront au
krach du système financier américain ", menaçait hier un conseiller du
Kremlin. A l'Ouest : menace de gel des avoirs russes, restriction d'attribution
de visas, boycotte du prochain G8 à Sotchi... les deux parties brandissent leur
épée de Damoclès tout en se regardant en chiens de faïence.
En
réalité nous assistons à un jeu à somme nulle. La Russie ne peut se permettre
de tourner le dos à l'Europe qui représente 85% de ses exportations pétrolières
et 80% de ses exportations gazières. La Russie est obligée de faire allégeance
à l'Allemagne – Berlin est la tête de pont des contrats gaziers vers le Vieux
Continent. En se mettant l'Allemagne à dos, Moscou se tirerait une balle dans
le pied. Moscou a besoin des investisseurs internationaux pour soutenir sa
faible croissance (à peine 1 et demi% en 2013). Quant à la finance, elle a pris
tant d'importance dans l'ancienne patrie de Lénine ! Lundi, avec la chute
de 10% de la bourse de Moscou, ce sont 40 milliards d'euros qui sont partis en
fumée, au nez et à la barbe des oligarques. 40 milliards, c'est l'équivalent de
l'obole qu'ils ont versé pour la construction des infrastructures des JO de
Sotchi.
Et
les occidentaux dans tout cela ?
Les
américains ? Ils ne représentent que 4% des échanges de la Russie.
L'ancien bloc soviétique est très loin des préoccupations économiques de
Washington. Ce qui est moins vrai pour l'Europe : la Russie est son
troisième partenaire commercial après les USA et la Chine. Et puis, il y a le
gaz russe dont l'Europe est dépendante à 30%.
Enfin,
pour la France, geler les avoir russes, assécher le nombre de visas ou ne plus
investir en Russie serait préjudiciable à des secteurs comme le luxe, certaines
banques comme la Société Générale, un groupe comme Renault, certains chimiquiers
ou céréaliers.
Donc,
les sanctions économiques ne sont pas crédibles !
Pour
être crédibles, les sanctions devraient être solidaires. Or, récemment à
Londres, un photographe zélé a pris au téléobjectif un document émanant du Foreign
Office (le ministère britannique affaires étrangères) recommandant de ne pas
fermer la bourse aux nombreux investisseurs russes présents à la City. Cet
épisode est révélateur : personne n'a intérêt à couper les ponts.
Dans
un monde de plus en plus interconnecté, l'économie est devenue une nouvelle
arme de dissuasion massive. Je te tiens, tu me tiens par la barbichette ! On
connaît la suite mais inutile d'aller jusqu'à la tapette car tout se réglera
bien avant, c'est dans l'intérêt de chacun. La diplomatie économique : retenons
bien ce concept. Nous n'avons pas fini d'en entendre parler.
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