L'urgence d'une vraie politique industrielle stratégique
On parle aussi
d'Airbus du ferroviaire, concept né en février 2013 de la volonté de François
Hollande de créer un Eads dans d'autres secteurs que l'aéronautique au nom des
industries du futur. Ce concept vient d'être mis à mal en l'espace de 72
heures, entre l'annonce jeudi par l'agence Bloomberg des velléités de
l'américain General Electric sur l'un des derniers fleurons de l'industrie
française, et le branle-bas de combat d'hier au plus haut sommet de l'Etat.
Il aura fallu que GE
nous secoue les puces pour que l'option Siemens, déjà évoquée il y a quelques
années, ressorte des cartons dans l'urgence comme solution alternative. Etre
contraint de décider en un week-end de dossiers ouverts depuis bien longtemps
montre le piètre niveau – pour ne pas dire la quasi inexistence – de notre politique
de stratégie industrielle.
Que propose SIEMENS
précisément ?
Il souhaiterait
reprendre l'activité énergie d'ALSTOM contre une somme en cash, à laquelle
s'ajouterait la moitié de sa branche transports. Mais aux yeux de nombreux
experts, les doublons que ferait apparaître un tel accord entre les deux
groupes aboutirait à une casse sociale évidente, pire que l'option proposée par
GE.
Arnaud MONTEBOURG est
dans son rôle lorsqu'il souligne qu'Alstom ne doit pas faire n'importe quoi car
vivant de commandes publiques et présent dans le très stratégique secteur
nucléaire. Mais l'Etat est bien impuissant face à des groupes industriels
entièrement privés et, à ce titre, maîtres de leur propre destin.
Alstom ne peut pas
s'en sortir seul
Fleuron du ferroviaire
et des turbines, Alstom n'en est pas moins fragilisé par un marché des énergies
renouvelables difficile et des marges en baisse sur les activités transports.
Alstom n'est malheureusement qu'une illustration de la décrépitude du tissu
industriel français. La part de l'industrie dans le PIB a baissé de 30 à 40% au
cours des 15 dernières années.
De l'instabilité
fiscale qui cache toute visibilité de long terme, à la gestion brouillonne des
finances publiques qui impacte directement la gestion du privé, les entreprises
françaises ont vu leurs trésoreries fondre comme neige au soleil, contrairement
aux multinationales étrangères qui ont conservé leurs marges. De fait, nos
industries sont passées du statut de prédateurs potentiels à celui de proies
faciles.
De nombreux autres
exemples
Arcelor racheté en
son temps par Mittal. Plus récemment Holcim-Lafarge dans le béton : le siège
s'installe en Suisse. Publicis-Omnicom : direction les Pays-Bas. Dans une
moindre mesure : le britannique Kingfisher qui rachète Monsieur Bricolage. Non
seulement nous sommes avalés, mais nous perdons aussi les centres de décision.
Freiner l'hémorragie
avec des mesures prises à la sauvette ne règlera rien sur le fond. L'urgence de
sauver le soldat Alstom doit être considéré comme un ultime électrochoc. L'Etat
doit recréer les conditions favorables à un actionnariat de long terme en
adoptant des politiques publiques fiscales et sociales non dissuasives, dénuées
de toute idéologie, répondant avant tout à une logique industrielle. Bref, ce
que nos partenaires étrangers ont compris depuis bien longtemps.
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