Vote solennel du budget 2014 : l'optimisation fiscale en question
Les entreprises du CAC40 sont les principales visées. Elles ne paient pas d'impôts, entend-on souvent... ce qui est faux. Sur la seule année 2012, les groupes qui composent l'indice de la bourse parisienne ont payé au total 35 milliards d'euros d'impôts sur les bénéfices, pratiquement l'équivalent des dividendes versés aux actionnaires. En réalité, ce chiffre s'entend au niveau international. C'est vrai : très peu de ces 35 milliards d'impôts sont revenus dans les caisses de l'Etat français. Un exemple parmi les plus emblématiques, celui de TOTAL a payé l'an dernier 13 milliards d'euros d'impôts. La majorité est revenue aux pays dont le groupe pétrolier français exploite le sous-sol. Dans un pays comme le Nigéria, l'impôt sur les bénéfices atteint 85%. Voilà une partie de la face cachée du problème.
Il ne semble pas anormal que ces groupes paient l'impôt dans les pays où ils sont implantés... ce qui ne devrait pas les empêcher d'en payer aussi en France...
Restons sur le cas de Total. Effectivement, le groupe n'a pas payé d'impôts en France pendant plusieurs années car ses activités y étaient déficitaires, plombées par les coûts croissants du raffinage. Le groupe crache de nouveau au bassinet depuis 2011. Selon la députée socialiste Karine Berger, 8 sociétés du CAC ne paient pas d'impôts aujourd'hui. Les autres, grands groupes, paient peu proportionnellement à leur activité : 9% en moyenne contre 30 à 35% pour les PME. Paradoxe et injustice.
L'un des principaux leviers utilisés par ces entreprises est ce que l'on appelle "les prix de transfert", c'est à dire la facturation via leurs filiales à l'étranger. Cette optimisation fiscale est tout à fait légale.
C'est ce à quoi veulent s'attaquer les députés de la majorité...*
Vendredi soir, en l'absence de l'opposition, députés socialistes et verts ont fait voter l'obligation de communiquer au fisc les montages d'optimisation fiscale avant leur mise en œuvre, à partir du 1er janvier 2015. D'autres subtilités de langage juridique faciliteront les redressements d'entreprises pour abus de droit. Les sociétés concernées voient rouge. Quant à l'Elysée et Matignon, tous deux se seraient bien passés de cette fronde des députés de la majorité au moment où le dialogue avec le monde patronal semble s'améliorer.
Selon vous, le vote solennel du budget 2014 aujourd'hui à l'Assemblée ne va pas refermer le dossier ?
Difficile, en effet. Les juristes parlent déjà de risques. Sans évoquer des délocalisations, voire des déménagements de sièges à l'étranger pour fuir le nouveau dispositif, ou encore le mauvais message envoyé aux entreprises étrangères qui voudraient s'implanter en France, c'est la porte ouverte à la subjectivité et à l'arbitraire dans les contrôles fiscaux. Une brèche dans laquelle il sera très facile de s'engouffrer pour qui voudra dynamiter les nouvelles règles.
Encore une fois, le manque de concertation et la décision politique dans l'urgence auront montré leurs limites et, surtout, leur inefficacité.
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