Cet article date de plus de cinq ans.

En Colombie, du glyphosate contre les plantations de coca

Tous les jours, dans "Un monde d'avance", un coup de projecteur sur une actualité à l'étranger restée sous les radars. Aujourd'hui, la Colombie qui voudrait de nouveau utiliser les épandages de glyphosate contre les plantations de coca.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une plantation de coca en Colombie. (LUIS ROBAYO / AFP)

Des avions qui survolent les plantations de coca - matière première de la cocaïne - pour larguer des tonnes de pesticides : voilà la méthode colombienne pour détruire tous les plants et priver de ressources les narcotrafiquants. Jusqu'en 2015, la Colombie était l'un des rares pays au monde à pratiquer ces épandages - avec l’aide financière des États-Unis. Mais quand l’Organisation mondiale de la santé classe le glyphosate comme "cancérigène probable", Bogota décide de tout arrêter. Trop de risques, pour les hommes et pour l’environnement. L’herbicide commercialisé par Monsanto n’est pas sélectif, il tue toutes les plantes qu’il contamine... Il suffit d'une petite brise pour qu'il soit dispersé bien au-delà des champs de coca, sur les cultures des paysans des environs.

4 fois plus de plantations de coca

Pourquoi relancer le débat aujourd’hui ? Parce que depuis cette interdiction, les plantations de coca ont repris à un rythme effréné : d’après les chiffres de l’ONU, 48 000 hectares en 2012, et quasiment quatre fois plus en 2017. Or pour le président colombien la lutte contre la drogue est une question de sécurité nationale. La Colombie est toujours le premier producteur de cocaïne au monde. Jeudi, lors d’un débat devant la Cour suprême, à grand renfort de graphiques, Ivan Duque a donc demandé à ce que les épandages soient de nouveau autorisés : "Cette croissance vertigineuse des cultures illicites menace l'ordre public, et même l'ordre constitutionnel !, a dit le président colombien. Elle affecte nos droits économiques, sociaux et environnementaux, mais aussi les populations les plus vulnérables qui vivent à proximité de ces cultures. On ne peut pas centrer le débat uniquement sur la question de l'herbicide. Il faut utiliser tous les outils dont nous disposons pour venir à bout de cette menace qui pèse sur notre pays, car les dommages sont considérables."

La pression des États-Unis

Si les plantations sont reparties à la hausse, ce n'est pas qu'en raison de la suspension des épandages, mais aussi parce que le peso colombien est très dévalué par rapport au dollar et que beaucoup de paysans, d'abord attirés par le monde du narcotrafic, attendent désormais les aides économiques du gouvernement pour leur reconversion avant d'abandonner leurs plantations de le coca.

Mais la proposition d'Ivan Duque passe malgré tout… très mal. Son prédécesseur, Manuel dos Santos, encore au pouvoir l’an dernier, a expliqué que la technique était d'ailleurs beaucoup moins efficace que les arrachages à la main ou les incendies de plantations de coca. Entre 2005 et 2014, selon l’étude d’un économiste colombien, 1 200 000 hectares ont été traités avec du glyphosate, alors que la superficie des champs de coca n'a diminué que de... 14 000 hectares.

Le Pérou, qui a été le plus gros producteur mondial de cocaïne en 2013, est un modèle à suivre : le pays a réussi à réduire les superficies de plantations de coca sans faire appel au glyphosate, grâce à de massives opérations des forces de sécurité, accompagnées de programmes sociaux.

En Colombie, Ivan Duque est sous pression. Il a d'abord une promesse à tenir : en septembre, à peine élu, il annonçait qu’en quatre ans le pays détruirait entre 140 et 150 000 hectares de plantations. On est loin du compte... Mais il est surtout dans la ligne de mire de Washington. Aux États-Unis, premier consommateur mondial de cocaïne, le département d’État prend la chose très au sérieux et fait pression sur Bogota pour que le pays améliore au plus vite ses statistiques.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.