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En Corée du Sud, le patron de Samsung est en prison

Cette incarcération pour corruption du chef de l’une des plus grosses entreprises mondiales fait trembler toute l’économie du pays.  

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le patron de Samsung, Lee Jae-yong (ci-contre lors de son arrivée à la haute cour de Séoul) a été condamné lundi 18 janvier à deux ans et demi de prison dans un retentissant scandale de corruption.  (YONHAP / YNA)

Lee Jae-yong, c’est son nom, a été condamné à 2 ans et demi de prison ferme par une cour d’appel de Séoul. Reconnu coupable de corruption et de détournement de fonds, il a été immédiatement incarcéré. Concrètement, il avait versé des pots de vin en grande quantité, des millions de dollars, à l’ancienne présidente de Corée du Sud, Park Geun Heye, elle-même condamnée pour corruption généralisée. L’argent transitait par l’une des conseillères de la présidente et visait à faciliter l’accession de Lee Jae-yong à la tête de Samsung. Ce n’est officiellement que le vice-président de Samsung mais en réalité c’est lui qui dirige l’entreprise depuis la maladie puis la mort de son père, Lee Kun-hee. 

Lee Jae-yong a déjà passé un an en prison, entre 2017 et 2018, mais il avait été libéré après une décision de la Cour Suprême. L’affaire est revenue devant la justice. Résultat : nouvelle condamnation, plus lourde que prévue. Ce lundi 18 janvier, ça fait la Une de tous les médias en Corée.  

20% de la richesse du pays

Et l’impact pourrait être important pour toute l’économie sud-coréenne puisque le chiffre d’affaires de Samsung représente plus d’un cinquième du produit intérieur brut de ce pays de 51 millions d’habitants. Samsung, c’est le leader mondial sur la télévision, les smartphones, les cartes à puce. Ce sont 300 000 emplois directs. Et une année record : comme tous les géants des nouvelles technologies, Samsung est sorti gagnant de la pandémie. Avec des profits en hausse de 30% ! Cet emprisonnement change la donne. Comme tous les empires industriels sud-coréens (que l’on surnomme chaebols), Samsung est une entreprise très centralisée : pas de décision stratégique, pas de nouveaux investissements sans le feu vert du chef. Et là il n’y a plus de chef. Donc gros risque d’inertie, de stagnation.  Ça tombe mal parce que les rivaux de Samsung affutent leurs couteaux : le Chinois Huawei, l’Américain Apple, le Japonais NEC, le Taiwanais TSMC. La 5G redistribue les cartes, les projets de réseaux 6G sont déjà à l’étude. Nouveaux semi-conducteurs, nouvelles cartes à puce, tout ça va très vite dans cette bataille entre géants. Et la fédération des industries coréennes, un peu l’équivalent du Medef, avait d’ailleurs publiquement appelé la justice à la clémence, par crainte des effets en chaîne d’une condamnation, pour toute l’économie du pays.

Le mélange des genres, une tradition sud-coréenne

Cet épisode met aussi en évidence les relations troubles entre le pouvoir politique et les grandes entreprises en Corée. C’est une tradition. Ces empires industriels sont d’abord des histoires de grandes familles, où le pouvoir se transmet en héritage, et où les liens avec les dirigeants politiques sont très nombreux. Par le passé, plusieurs grands patrons condamnés pour corruption ou fraude fiscale ont été graciés par le pouvoir politique. Cette affaire pourrait donc aussi conduire à une remise en cause de ce système, qui a sans doute permis l’essor économique spectaculaire du pays, mais qui est désormais ouvertement critiqué.    

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