La Birmanie, enjeu par procuration entre la Chine et les États-Unis
Des centaines de milliers de Birmans sont dans la rue pour dénoncer le putsch de la junte militaire et l’arrestation de la dirigeante Aung San Suu Kyi. Une contestation qui prend des allures internationales et devient le sujet d'un bras de fer entre la Chine et les États-Unis.
Au quatrième jour de manifestations en Birmanie, la colère des Birmans ne faiblit pas, malgré la répression de plus en plus dure de l'armée, dix jours après le coup d'État militaire. Lundi 8 février, pour la première fois depuis le putsch, le général Min Aung Hlaing, chef des forces armées birmanes, s'est exprimé à la télévision.
Une allocution aux accents trumpiens, où il a affirmé que l'armée avait agi pour sauver la démocratie birmane après des "élections frauduleuses", ces législatives de novembre où le parti issu de l'armée avait encaissé une défaite cuisante. Il a promis la tenue de nouvelles élections législatives après la création d'une nouvelle commission électorale. La junte formera une "démocratie véritable et disciplinée", a-t-il ajouté.
L’ombre de Pékin
D'abord silencieuse devant le putsch, qui s'est fait sans effusion de sang, la population birmane a mis du temps avant de faire entendre sa colère, qui s'est étendue des cercles proches d'Aung San Su Kyi, la dirigeante toujours détenue au secret, à une part de plus en plus croissante de la population. Une population habituée à composer avec la dureté des militaires depuis 1948, date de l'indépendance, et qui a d'abord observé les réactions de la communauté internationale. À commencer par celle de la Chine, premier partenaire commercial du pays, et seule vraie puissance d'influence en Birmanie, État qui occupe un statut particulier dans la zone d'influence chinoise, de fait de son nationalisme poussé.
La Chine a clairement fait son choix, en qualifiant le putsch "d'important remaniement ministériel" et en pesant de tout son poids au conseil de sécurité de l'ONU pour éviter le vote d'une résolution défavorable aux généraux.
Autre réaction attendue : celle des États-Unis, avec cette crise qui coïncide avec les débuts de l'administration Biden sur l'échiquier international. La Maison Blanche a condamné le coup d'État et fait savoir que toutes ses tentatives d'entrer en contact avec Aug Sang Su Kyi ont été rejetées. Les États Unis ont également menacé de sanctions ciblées les militaires birmans. "Nous sommes du côté du peuple birman et nous soutenons son droit à se rassembler de manière pacifique, notamment à manifester de façon pacifique en faveur du gouvernement élu démocratiquement", a affirmé Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine.
Un enjeu par procuration
De fait, c'est probablement en Birmanie qu'est peut-être en train de se jouer le premier acte du rapport de force entre la Chine et les États Unis de Joe Biden. Dans un entretien diffusé ce dimanche par la chaîne CBS, Joe Biden a en effet clairement expliqué que la Chine allait rester l'ennemi stratégique des États-Unis.
"Je ne vais pas gérer cela comme Trump", a déclaré le nouveau président américain. "Nous ne devons pas avoir un conflit. Mais il y a aura une compétition extrême", a-t-il ajouté. Le 20 janvier dernier, son secrétaire d'État, Antony Blinken, avait déclaré que Donald Trump "avait eu raison" d'avoir une position "plus ferme face à la Chine". Et Joe Biden n'a pas manqué, à cette occasion, de préciser sa vision du président chinois Xi Jin Ping. "Il est très dur. Je ne dis pas cela comme une critique, c'est juste la réalité, il n'a pas une once de démocratie en lui", a-t-il déclaré.
La crise birmane pourrait ainsi être le premier champ de bataille symbolique de cette confrontation d'influence, qui dépasse et de loin, le sort d'Aung San Su Kyi et des militants de la démocratie en Birmanie.
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