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Les moines liés à Moscou sommés de quitter le monastère de la Laure à Kiev

Les religieux qui occupent le grand monastère de la Laure des Grottes de Kiev sont historiquement rattachés au patriarcat de Moscou. Le pouvoir ukrainien entend les faire partir. Il leur a donné jusqu’au mercredi 29 mars pour quitter les lieux.  

Article rédigé par franceinfo
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Le monastère Kiev-Pechersk Lavra, également connu sous le nom de monastère des grottes de Kiev, un monastère chrétien orthodoxe oriental historique à Kiev, le 24 mars 2023. (GENYA SAVILOV / AFP)

Le mercredi 29 mars s’annonce tendu dans ce lieu saint de la religion chrétienne orthodoxe, classé au patrimoine de l’Humanité, un immense domaine de plus de 25 hectares, en partie troglodyte avec de nombreux monastères, souvent somptueux. Le tout surplombe le fleuve Dniepr, au Sud du centre de Kiev. Les premiers bâtiments ont été construits il y a 10 siècles. Pour de nombreux orthodoxes, c’est le lieu le plus sacré au monde, l’équivalent par exemple du Mont du Temple pour les Juifs à Jérusalem. Les 500 personnes qui y résident, dont 200 moines, tous historiquement affiliés au patriarcat de Moscou, ont reçu l’ordre par le gouvernement ukrainien de partir d’ici à mercredi dernier délai. Les mouvements à l’entrée du domaine sont déjà filtrés depuis plusieurs semaines par les forces ukrainiennes. Quelques camionnettes de déménagement ont été aperçues ces derniers jours. Mais plusieurs moines, comme le métropolite Pavlo, appellent à résister. Et ils ont demandé aux fidèles de venir les soutenir pour "défendre les lieux saints".  Il n’est donc pas exclu que des affrontements se produisent mercredi 29 mars, et que les prêtres finissent par être expulsés manu militari.  

La crainte d'une Cinquième colonne

Le pouvoir ukrainien reproche aux religieux d'être en gros des agents de Moscou, une Cinquième colonne sur le sol ukrainien. En novembre dernier, les services ukrainiens ont mené une perquisition dans les lieux. Ils affirment y avoir trouvé des passeports russes, de l’argent liquide et des ouvrages pro-russes. Ils soupçonnent donc le monastère d’être une base arrière pour des activistes pro-russes et de servir de plateforme de propagande pour Moscou. Les moines contestent totalement cette version des faits. Officiellement, ils ont même coupé les ponts avec Moscou. Même si certains relaient toujours le discours russe sur la responsabilité occidentale dans la guerre. En tout cas depuis cette perquisition, le pouvoir ukrainien a progressivement pris le contrôle de l’accès à la Laure des Grottes de Kiev.  

Deux Églises en concurrence

Il y a en fait une forme de guerre de religion dans le conflit en Ukraine. C’est l’un des aspects les plus méconnus et aussi les plus fascinants du conflit. La guerre en Ukraine n’est pas en soi une guerre de religion. Elle n’est pas déclenchée par la religion. Mais elle possède une facette religieuse en raison de la compétition entre les deux Églises orthodoxes qui coexistent en Ukraine : l’Église historique rattachée au patriarcat de Moscou, et l’Église autocéphale, autonome, qui en 2019 a quitté le giron de Moscou pour devenir affiliée au patriarcat de Constantinople, Istanbul. Cette rivalité entre les deux Églises s’est renforcée avec le conflit, a fortiori en raison des discours guerriers du patriarche de Moscou, Kirill. Il est très lié à Vladimir Poutine, il juge donc l’agression russe légitime et défend les visées expansionnistes de Moscou. L’instrumentalisation politique de la religion dans cette guerre est donc d’abord le fait du Kremlin. Mais on voit bien que désormais le pouvoir ukrainien a également décidé de répondre sur ce terrain. Et c’est ainsi que se dessine une journée à l’issue incertaine le 29 mars à Kiev.      

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